Figues de Barbarie, Ruines: pourquoi, ça raconte quoi?

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Ariul- Injure suprême

En Algérie, non, en Kabyle, Ariul, prononcer « arioul »est l’injure suprême. On peut, on pouvait se battre, presque à mort pour ça, « Ariul », pourtant moi j’adore les ânes (ils me le rendent bien :-)) mais j’ai trouvé celui-là, avec du mal, dans un virage toujours poussiéreux, dans une autre photo il a la tête dans des détritus, mais ici il semble s’interroger: nous ne nous reverrons jamais cet âne, cet adorable Ariul et moi, et tout à coup, ça prend un côté vraiment tragique. Sans doute car je pense à un autre âne, son frère… ou au personnage de Pierre-Hassan, car il est plutôt question de ça:

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des figues de barbarie, comme cet âne, dans la poussière. Au dessus des strates de roches ternes. Il y a donc beaucoup de poussière sableuse, on y peut rien, la photo aurait pu être meilleure, mais elle est très réelle comme ça. Autant de figues de barbaries sauvages que de filles de barbarie pas si sages, comme le personnage d’Imane.

Pourquoi les Ruines? Pourquoi deux personnes se rencontrent dans des ruines, dans le passé en ruines, dans le monde en ruines? Pourquoi est-ce sur les ruines d’identités défuntes que l’amour au niveau -1 tente de faire repartir le monde et la vie – et parfois y arrive?

Dans cette histoire, Pierre-Hassan est archéologue, il cherche. Il Se cherche, en cherchant.

En cherchant, il trouve une statue voilée d’une mousseline de marbre, et il trouve une femme qui le porte aussi, le voile, mais de coton.

Dans les ruines romaines de Tipasa qui sont aussi naturellement devenues celles d’Albert Camus dont les auspices favorables ont peut-être veillé à mon insu sur ces pages… bref: dans ces ruines là une jeune femme se cherche, ou veut trouver une liberté car son père est le directeur du musée et qu’elle ne peut pas vraiment se balader seule à sa guise dans les rues. Alors, pour se donner une impression de liberté, elle se promène, elle erre, elle tourne en rond comme un oiseau dans une cage dans le parc archéologique aux heures de fermetures, et c’est là qu’elle le rencontre. Ouverture.

Alors le roman se construit à partir de ce trou de briques romaines, comme l’amour se construit sur la déconstruction des ruines, l’analyse du passé, en trois phases, trois chapitres: I Découverte II Eboulis III Ciel Ouvert…

On peut gloser beaucoup sur les sens caché de ce qu’on écrit sans totalement réfléchir… et parfois la glose des commentateurs est plus jolie que les livres écrits. Ce n’est pas bon signe, pour le livre. Mais il faut tout de même expliquer un peu… certains sens à découvrir eux aussi dans ce roman de chercheur et de chercheuse d’identité, et de libération…

Premier coup de brosse.

Fin de COP 21: relecture de Pierre Rabhi

 

 » Il serait dommage, après avoir été repu de souffrance et de non-sens, de se demander au terme de sa propre vie non pas s’il existe une vie après la mort, mais s’il en existe vraiment une avant la mort et ce qu’elle représente dans le mystère de la vie.

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UUne existence accomplie se mesure-t-elle à la réussite économique, politique ou autre? Tout est élément éphémère dans ce fleuve peu tranquille que nous appelons l’histoire. Même ceux que nous nommons « les grands hommes » y disparaissent, ne laissant au creux de notre mémoire qu’une emprunte évanescente dans l’immensité infinie du silence. Toutes les disciplines scientifiques réunies ne peuvent nous éclairer, parce qu’elles ne nous donnent à comprendre que les fragments d’un phénomène qui échappe à la compréhension globale. Elles ont cependant le mérite, pour les âmes humbles, de mettre en évidence l’impossibilité pour la pensée, de nature limitée, de nous permettre l’accès à une réalité de nature illimitée. Cependant, lorsque la pensée prend conscience de ses limites, silencieuse, elle nous conduit jusqu’au rivage de l’inconnu. Elle s’apaise alors, découvre la sobriété, et nous introduit à une contem-plation dénuée de tout questionnement sans objet, de toute attente ou ambition, qui ouvre notre être profond à ce qui n’est réductible à aucun langage.

Il est probable que le silence auquel se heurte notre désir de savoir l’essentiel de l’essentiel soit la cause de nos plus grands tourments, et transforme la vie en un enfermement, alors que l’univers tout entier nous invite à la liberté les plus absolue.

Nos connaissances ont pu nous expliquer comment une humble graine germe et perpétue la vie, mais n’ont jamais élucidé le pourquoi de la vie »

                                  Pierre Rabhi, Vers La Sobriété Heureuse, 90-91.

 

 

 

Du Soleil sur le Bataclan, Tipasa-Paris… Ecrire Ruines II, celles de France.

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C’est une année qui commence sur le souvenir d’un texte écrit à propos de ruines, symboliques et réelles, qui rappellent aussi un peu Albert Camus, là bas, à Tipaza, Algérie. Il y a comme au début du roman des  chèvresAlgérie été 12 389 amnésiques ou des

Algérie été 12 394, caméléons, et c’est bien le moment de ne pas perdre le fil ni la mémoire… et de savoir prendre toutes les couleurs:  janvier 2015… La place de la République est étrange, ça bouge et ça ne bouge pas, ça proteste mais comme sans protester, ça n’a plus trop l’habitude de la violence de ce côté-ci de la méditerranée…

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On se demanderait  même aujourd’hui si ce n’était pas un peu ridicule, un peu puéril, un peu inconscient, pas encore assez… réaliste sur ce que  ça veut  vraiment dire, la violence. Une photo devant le Bataclan quelques mois avant…IMG_7904 avant que l’on reprenne pied avec la réalité chaotique du  monde…

On a pas fini d’écrire sur des Ruines, et de devoir y trouver un sens, pour se relever, se battre. Alors on compose des chansons un peu tristes pour pleurer un bon coup, pour s’apaiser, et passer à  quelque chose de plus solaire…

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Musicalement… déjà.

 

Ruines: La Voix d’Imane (Extrait)

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Djemila

« Elles aussi, ces dépouilles, dans un sens étaient perdues. Ce qu’elles représentaient était mort. Ce pour quoi elles témoignaient ne voulait pas être su. On les voyait sans les comprendre, on ne voulait pas les comprendre. Nous étions sœurs, pas seulement à travers un visage de marbre, mais avec Timgad et Djemila, avec toutes celles encore enfouies, nous étions sœurs les Ruines et moi. Ma protestation n’était en rien aussi manifeste et grandiose que la leur, elle restait cependant tout aussi inaudible par la société. C’est pourquoi il me semblait que nous nous entendions. Elles me disaient qu’il y a avait eu d’autres hommes, d’autres dieux. Que rien ne pouvait se prétendre exclusif, absolu ou éternel. Elles disaient un peu l’avenir, en montrant la fragilité du présent. Mais encore et surtout, elles me questionnaient sur la légitimité des hommes et des peuples à s’imposer sur un sol. Aux heures où tout ceci me donnait le tournis, il m’est arrivé de vouloir prendre un peu de cette poussière rougeâtre à mes pieds et de la tendre vers le ciel en demandant : « À qui ? » Personne ne pouvait répondre, il n’y avait pas de réponse. Le Dieu des Livres avait dit « aux hommes », ceux-ci avaient lu « aux mâles », mais le dieu des livres écrits par des hommes était-il le vrai Dieu ? Y avait-il autre chose que de la poussière pour répondre à la poussière
sur cette question? « 

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Djemila.

Ruines, Figue de Barbarie… (Extrait)

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[…] Il y a aussi maintenant une autre ville. Une rue qui tourne dans le creux des reins, l’anse bleue dont la courbe est celle d’une hanche. Les mèches noires qui ont l’odeur de sa nuit ;  les terrains vagues, les murs en construction dans leur abandon parfois sont sa pensée jeune et indécise encore, son cœur vierge. Cette nouvelle Tipasa est le décalque d’un corps, m’y promener, c’est être déjà, un peu, en Elle. C’est ce village devenu petite ville qui me manque le plus.

Comment avons-nous fait pour nous aimer ? Comme tout le monde, autant qu’aimer vraiment signifie rompre avec la norme, prendre des risques. Ces longues patiences, ces difficultés à nous voir n’ont fait, et ne font encore qu’attiser ma passion. Du bord d’un autre port, prêt à repartir, j’ai sur les lèvres le Labyrinthe de la Solitude dont je relis sans cesse le même passage. Le contre-courant, la transgression libératrice ; là où on l’empêche, l’amour rejaillit sans doute plus fort pour ceux qui ont choisi son camp. La difficulté rend les choses dramatiques, le romanesque, plus intenses, quand l’union n’est pas autorisée (par la société, la famille, souvent les deux ensemble). Il ressort une énergie grisante à dire non au diktat, mais cette jouissance se surajoute à l’amour sans le remplacer. L’amour est préalable à la libération qu’il engendre. Si Imane m’a dit oui dans cette étrange expédition vers Timgad, elle m’aurait dit oui, déjà libre, ailleurs. Il se trouve que, puisqu’elle ne l’était pas encore, ce oui est libérateur.

Je n’ai qu’une seule crainte, c’est sa soumission par peur, son renoncement devant la pression. Mais j’ose croire en son regard fier et fou, en ses appels réguliers […].

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Soumissions? Au bord d’une route, nord-est de l’Algérie, été 2014.

 

 

Ruines: Figue de Barbarie

Une terre inconnue : l’Algérie, quelque part dans le XXIe siècle.
Une terre que Pierre-Hassen va apprendre à connaître, à reconnaître.
Il y connaîtra, aussi, y reconnaîtra Imane – un homme reconnaît
toujours la femme de sa vie

Ici, il est bien question de connaissance, et de renaissance à soi,
à l’ombre de deux visages qui se mélangent parfois : celui d’une
femme, celui d’un pays. Des ruines antiques de Tipasa, d’un voile
de pierre sur une statue romaine à celui jeté sur un visage de
chair se construit alors un récit où les voix s’entremêlent, se
confrontent afin de chercher une issue… et où un couple,
s’extirpant des entraves sociales et du passé, ose prendre le
risque de la liberté, et de l’amour…

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