NO WOMAN’s (vocal) ZONE

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Comme tous les films dont le titre intraduisible de l’anglais donne des démangeaisons de traduction, on pourrait dire:

« La chanson du pays de nulle part »

« Chant sans pays »

« Chanson du non-pays »

ou encore:

« La chanson n’a pas de pays ».

Mais le titre comme le film ont été conçus par des iraniens dont l’anglais est sans doute plus instinctif que celui des francophones. Alors on pourrait imaginer plutôt que le très possible « Chant sans frontière » un clin d’oeil à l’expression, No Man’s Zone, sauf qu’il est ici question de femme.

Le Chant, en Iran: No Woman’s Zone. Zone sans Femmes.

Attention.

Comme tous les films documentaires, ou beaucoup, qui traitent d’un pays à travers son chant, son âme perdue, il y a ici quelques points communs du genre avec un Buena Vista, pour Cuba, et plus récemment El Gusto pour l’Algérie. Sauf qu’ici, la nostalgie n’a pas pour objet un style musical oublié, Son ou Chaâbi. Ce ne sont pas des accords du passé dont on fait renaître la beauté, pas seulement. Dans No Land’s Song, les instruments interdits dont il est question n’ont jamais cessé d’exister ni de vibrer en Iran, mais sous une forme étouffée, comme les libertés: les corde vocales féminines.

Mais l’intérêt du documentaire est dans l’émotion qu’il sucite, de manière bouleversante, inattendue, par la puissance du cri de révolte musical. Il ne faut pas aller le voir parce que la couleur de l’affiche est la même que celle de l’écharpe de Mélanchon, ou de Jacques Weber, ou de la vôtre, monsieur au rang devant moi, chapeau de feutre et cheveux gris en désorde soigné rive gauche, qui n’avez pas pleuré.

Donc c’est un film sur lequel il n’est pas besoin de tartiner. La jeune auteure iranienne initiatrice du projet trop souvent, naturellement, au premier plan, la découverte étonnée, mais compréhensible, des artistes français collaborant au projet sur la censure, les revers administratifs etc. Ces mêmes musiciens, les français, si talentueux et fins, Jeanne Cherhal, Elise Caron, qui sauront accorder leur voix dans un unisson de partage et de collaboration. Bon. Le voile levé sur l’étonnante transversalité musicale, et l’ouverture: les sons du batteur assez fou et génial, mais qui manque de se débiner, comme Caron, devant les vetos durs à lever. Davantage de combativité musicale que diplomatique en l’occurence.

Comme souvent également dans ce type de documentaire, mais ici plus que dans tout autre, l’émotion surgit à la croisée entre l’expression d’une révolte par delà le politique, et le beauté ancêstrale du chant. Bien au-delà encore de la coopération binationale, et nécessaire au bouclage du budget, qui laisse entrer dans le film quelques scènes inévitablement bien pensantes et naïves, du type: Jeanne Cherhal, lunette noire, très parisienne bobo malgré tout son talent, ne cèdant pas à un cliché dans un échange, à Paris, avec Sara Najafi:  » je réalise à quel point j’ai de la chance ». De se produire, de ne pas subir de discrimination ou d’interdicion de chanter en tant que femme. Etc. Bien entendu − l’artiste française l’aurait elle tu par politesse?− la chance n’est pas de  notre côté, mais la malchance du leur. Ou encore, plutôt qu’une question de « chance » une question de droit, politique et naturel pour le coup.

 Non. Ce n’est pas pour tout ça qu’il faut ou pas aller voir  et surtout écouter No Land’s Song… Alors quoi?

Ce n’est donc pas un film comme les autres du même genre car en final, c’est un film qui inonde. Et,pour le pire ou le meilleur: on ne sait pas trop pourquoi. Pourquoi, réellement, non pas vraiment, mais on sait, on sent.

Pour quelqu’un, quelqu’une: la voix bien précise, bien supérieure d’une chanteuse iranienne, Parvin Namazi, qui est là, une chanteuse connue, qui participe d’abord de manière subtile aux échanges, femme la plus agée de toutes, mais dont la voix vous coupe le souffle dès qu’elle surgit, du tout début à la fin.

Cette inondation est-elle justifiée? N’est-elle pas subjective? Est-ce vraiment elle, ces quelques minutes qui donne sa saveur au tout? A-t-on raison ou pas, n’est-on pas fou de fondre en larme comme ça en l’entendant?

Je ne sais pas. Mais juste une scène  peut-être… L’esquisser n’ôtera pas l’envie de la voir en vrai. Il s’agit d’un moment extrêmement intimiste, presque impudique qu’ils ont décidé de garder au montage. Un bout d’essai, de répétition en aparté entre le jeune guitariste Sébastien Hoog et cette chanteuse qui pourrait être sa mère. Au bout de quelques secondes le type (hyper talentueux, qui a dû en entendre d’autres…) ne peut plus jouer. Il se contient, il retente, mais rien à faire: dès qu’elle chante il pleure. On le sent lui même stupéfait de cette émotion; n’en pouvant plus, il sort du plan.

Et on sort de la salle comme lui, avec l’envie étrange d’éclater en sanglots de joie, de révolte … d’Enchantement ou de peine aussi. On ne comprend pas tout, et c’est ça qui est beau et qui vous prend: le bouleversement d’une voix a capella, d’une femme qui l’ouvre, majestueusement.

Déclowne PAS!!

Aujourd’hui: 25 mars 2016:

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 Le Clown est ROI.

Parce qu’il n’y a quand même aucune raison de se retrouver en défaut d’amour tout autant que d’humour… surtout d’humour, à portée de coeur et de zigomatiques, les choses vues sous un certain angle, moins tragique…

Aujourd’hui le Clown est roi, mais pas le méchant clown qui cache son malêtre derrière un sourire. Pas celui qui se tue encore et encore et finalement même plus pour de faux. Non. Pas celui dont le rire fait soudain peur aux enfants, en fait, pas un sacré paquet de clowns, dont l’un des ancêtres les plus fameux, le compagnion d’Hamlet avait pour autre nom… croque-mort, ou creuseur de tombe « grave digger ». Non et Non. Le vrai clown, celui qui ne se prend pas la tête tout en l’ayant très bien sur ses épaules avec ses airs faussement légers. Fausse couronne, vraie banane.AVC-une-banane-par-jour-peut-reduire-le-risque

Ni la forme d’un croissant, ni d’une étoile, ni d’une hostie.

D’une lune jaune comme un soleil?

Ode à la banane et aux clowneries légères en ce vendredi qui pour être saint se doit d’être sain, donc de se marrer un peu, voire beaucoup, si possible. Lorgner du coin de l’oeil tous les facétieux, accueillir tous les rires moqueurs de toutes cultures à sourires grands ouverts.

Les sages et les saints les plus follement sages se doivent de savoir déconner- overdose de sérieux, régurgitations dangereuses de trop de lectures pesantes.

La vérité serait dans la légereté, qui n’est pas forcément supercialité: légéreté saine et sainte. Et cette citation de Louis Pasteur qui émaille le carrelage de la station de métro du même nom à Paris… je ne me souviens plus bien, une définition simple du bonheur: « santé, amour, travail »… on rajouterait « sentiment d’être en vie et au monde de la manière la plus enfantine et simple possible »… surfer avec une insouciance retrouvée sur les vagues tragiques de l’existence… celles-ci, ou d’autres… individuelles ou collectives: elles ne manqueront malheureusement jamais.

Pour toute citation de Pasteur, dûment certifiée:

« Il y a plus de philosophie dans une bouteille de vin que dans tous les livres »

A prendre avec modération et temporairement en cas de petit coup de mou, comme l’oeuf de Pâques en chocolat. Retrouver l’essence de la vie  en cas de doute, d’ébranlement,  passe obligatoirement par les sens.

Hédonisme tout bête-  éternel comme un désir sain, et  pas besoin de connaître Epicure sur le bout des doigts enchocolatés pour mettre le gâteau au four,  ou le Bordeaux Graves à décanter…ce n’est pas le « show » de l’économie qui doit « going on », continuer… mais simplement la vie, dans sa face solaire et profondément bonne, capable de joie, et finalement, objectivement, au nombre d’adeptes assez majoritaire…

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AL ‘ASR- L’EPOQUE

 » Au nom d’Allah, le Matriciant, le Matriciel… 

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Tour de Babel: pourquoi Brueghel l’Ancien était-il fasciné par ce sujet qu’il aurait traité au moins deux fois? Brueghel « peintre brabançon » était-il flamand? Etait-il belge? Premier quid identitaire, XVIème.s.

1- l’Epoque
2-Voici, l’Humain est perdu… »
 
Al ‘Asr, sourate 103, premiers poèmes prophétiques, faut-il aller jusqu’au bout?
Oui.
3- Sauf ceux qui adhèrent et sont intègres (ne voulant pas faire de copier-coller pour garder la police, je déclique du site d’André Chouraqui le grand exégète qui a mis en ligne sa traduction des deux Livres, Bible et Coran, « sauf ceux qui adhèrent et qui sont intègres » donc, opération qui me force, qui m’induit malgré moi au par -coeur récitatif, contextuel, je continue?)
4- Ceux qui s’exhortent à al (pardon) LA vérité
    Qui s’exhortent
….à la constance « 
Le matriciant, le matriciel. Beauté du texte coranique qui décrit le masculin d’une matrice. Qui fait Dieu créateur aussi géniteur, puissance de Vie, à la fois masculin et donc profondément aussi féminin. Dieu le père mais surtout Dieu la mère. Avec cette scansion répétitive qui émaille le livre saint de l’Islam, on comprend peut-être pourquoi, contrairement au christianisme catholique, il n’y a là pas besoin d’une déité féminine comme la vierge Marie. Dieu n’a pas besoin de mère, il EST lui même, mère. Matrice. Bon.
BON.
Sans rapport. On aurait envie, dans une paraphrase tout à fait fantasque de Romain Gary sur son lit de mort (coussin rouge absorbant le sang du suicidé) de dire  » Sans rapport avec Jean Seberg ». Ok mon ami. Ok. On te croit
A moitié, pardon. Sans rapport aucun avec Dieu, avec l’Islam. Mais alors avec quoi? Avec quoi? Sinon avec la belle américaine d’À bout de Souffle???
Ne pas chercher à comprendre. Parfois. Pas seulement pour ne pas avoir peur, mais pour ne pas trop faire peur, pour ne pas dire de conneries. Se terre, pardon, taire, terre à terre, à plat ventre, une grenade explose. Chut. Ecouter. Citations.
Pascal Bruckner, le Figaro du 23/03 p16

 » Nous répétons qu’il ne faut pas faire d’amalgame avec l’Islam, sans comprendre que les Djiadistes revendiques eux-mêmes le fait d’être les véritables musulmans. Les autres, la très grande majorité, sont rejetés par ces fanatiques dans les ténèbres de la mécréance. Ces soldats de l’apocalypse sont d’abord des croyants et nous devons les prendre comme tels ».800px-Durer_Revelation_Four_Riders

On ne sait pas pourquoi, mais ça sonne un peu exagéré. Un peu magnifié dans un sens, pas les carrures ni les montures de l’emploi. D’ailleurs pas un emploi comme un autre, rares rôles, tristes scènes.
Comme d’autres ont récusé le qualificatif de « lâches ». Pour qu’il y ait lâcheté en effet, il faut un sens au moins vague de ce qu’est le « courage ». Or le fanatisme et la folie brouillent toutes les pistes, les cerveaux, comme des drogues.
Là où il n’y a pas de conscience du danger, de l’Autre, du crime, peut-il alors y avoir conscience de la mort, du « bien » et de Dieu?
Là où un texte, au sacré même relativisé, devient une application sur un smartphone, la où la « religion » n’est qu’une monnaie de change contre un joint où une palette de maquillage qui avait fait long feu…
Là où les subtilités et les beautés d’une langue, par dessus toutes, littéraire, l’arabe classique, tourne à la mélasse ânonnée.
?
Alors plus loin, Pascal, mais pas celui du pari, concède sans éviter de brandir un tison:
 » Il y a en France un risque de guerre civile larvée en raison de la porosité entre gangs de banlieue et les cellules radicalisées: le djihad est la voie de sortie pieuse du banditisme« 
Drôle qu’il ne dise pas qu’il est donc, d’abord, celui du déclassement social, du chômage et de la perte d’identité, autant partagées qu’en soient les responsabilités.
Enfin…
« ON se demande: ‘ Qu’a-t-on pu faire de mal pour qu’ils nous haïssent à ce point’? « 
Non, la question est posée sans ironie, sans sarcasme.
La question est bien posée, en page 16 ( car il faut vraiment le lire) du Figaro. Et l’essayiste de conclure:
 » La vérité (même mot que dans la sourate 103) que nous ne voulons pas entendre est pourtant criante: ils nous haïssent pour ce que nous sommes. Des êtres libres, mus par l’amour de la vie, le respect du droit et l’esprit critique. Voilà notre crime ».
On aimerait vraiment bien connaître M Bruckner de près, pour pouvoir lui retourner son propos, et lui demander d’éclairer un peu plus sa phrase finale écrite manifestement très à chaud, à la belle lumière de celle perdue en tapant- « esprit critique ».
Inutile d’enfoncer le clou? Quand un amalgamme de « soi » induit l’amalgamme dans la définition de l' »autre »; la pensée la plus élaborée s’enlise.
Comme si, en d’autres termes, cette manière évidente et naïve de concevoir un « nous » idéal préfigurait nécessairement notre inconscient formaté, ou celui de M Bruckner, dans sa conception donc du « vous ». Comme si derrière la provocation sarcastique de ce « crime d’être des anges » l’Histoire ne nous avait jamais collé quelque tenace odeur de souffre aux basques, comme de faux procès, bien entendu, à des colonisations mal digérées, enfin, comme si etc. etc.
Il semble de mauvais ton d’avoir quelque chose à se reprocher. Pourtant, ne dit-on pas qu’il n’y a pas de fumée sans feu, même en enfer? Et si le « manichéisme » ou cette manière radicale de se renvoyer la balle des deux côtés ne faisait que créer un terrain de jeu, ou de guerre justement?
Alors, on est tout de même rassuré, soulagé, un peu, de constater que le journal dans lequel un certain nombres d’exagérations s’expriment (nécessairement et bénéfiquement puisque librement) aujourd’hui, sait encore faire des vire-volte subtile avec ce fameux esprit critique en suggérant une opinion beaucoup plus juste, plus pragmatique, moins lyrique et en même temps: réaliste et humaine,  possible.
M Johan Leman, anthropologue, président d’un centre social à Molenbeek et observateur des évolutions sociales de la communes depuis 1981, met en perspective les choses dans une analyse de terrain. Il décrit donc le « croissant pauvre » de toute la conurbation autour de Molenbeek. Pointe du doigt le défaussement des autorités policères et judiciaires, leur méconnaissance de la réalité sociale. Et de conclure par un raccourci qu’on peut trouver trop facile avec le sud de l’Italie:
 » En une semaine, on peut savoir comment ces réseaux sont composés. Les habitants sont prêts à coopérer à condition d’être respectés. Il faut agir comme les Italiens l’ont fait en Sicile pour combattre la mafia ».
Sauf qu’aucune mafia calabraise ne s’est jamais revendiquée d’une idéologie de rassemblement comme le salafisme ou wahabisme pour toucher la corde sensible d’une jeunesse  mondiale… Sauf que l’argent et le pouvoir pour l’argent n’ont jamais fait sauter de kamikaze dans des aéroports… sauf pourrait-on imaginer, la notion de « code de l’honneur »… mais sauf surtout que de toute façon, même combattue par des méthodes les pus efficaces, la mafia aussi, n’a pas encore été éradiquée, et qu’il s’agit surtout de cela!
Dans un bel exercice d’humilité face aux chaos des opinions tous azimuts, le politologue Jean-Pierre Filiu admet :
« Aucun intellectuel ne peut prétendre détenir seul la réponse à un phénomène aussi complexe »
D’autant que les analyses les plus aigües de fond sont peut-être à mettre au deuxième plan, avec le risque d’enraillement d’une pensée qui devrait alors être tournée vers les solutions pragmatiques. C’est donc un peu le point de vue de ce professeur en sciences politiques dont l’article du Monde du 24 mars est titré:
« Pour vaincre Daesch, étudions son mode d’action plus que sa propagande ».
Il essaie donc, sans renvoyer la balle au manichéisme, et sans tomber dans le déni de la nature idéologique du combat, de le relativiser néanmoins, sur la piste lancée par Gilles Kepel: « A force de brandir le tabou de l’islamophobie, on s’est interdit de penser la nature du défi djihadiste« .
Préférant le terme « conversion » à celui de « radicalisation », JP Filiu fait le distingo entre la réalité d’une religion/ pensée et le montage d’un imaginaire « chevaleresque » de la part de la propagande – l’expression « littérature de l’organisation » prend ici un sens premier.
Il y a donc bien là « construction », voire même « déconstruction » préalable, lavage de cerveau et épuration de texte, pour amener à la « conversion » et faire qu’elle rentre en adéquation avec les aspirations/ troubles/ frustrations qui, de tout temps, ont poussé l’humain à exprimer sa révolte par l’auto-destruction sacrificielle.
C’est cette vision que précise l’historien belge Pierre Vermeren en expliquant qu’on assiste « moins à un choc de civilisations que des imaginaires et des mondes« . Ne bottant pas en touche sur la question de l’impact des bouleversements post-coloniaux dans la fragilisation des communautés indentitaires et les phénomènes de « déculturations », ni lui ni ses confrères n’osent cependant tacler au delà.
Par exemple: en soulignant comment le réseau djihadiste (ou devrait-on seulement dire « terroriste ») se double d’un maillage d’autant plus solide qu’il joue sur les ambiguités de différences culturelles bien réelles relayées elles même par les communautarismes. Ainsi les particularités de l’Islam et ses confusions historiques entre Etat, religieux, famille, nation, individu… en font une arme de guerre particulièrement redoutable car s’infiltrant insidieusement dans les âmes par les tripes: le mot « oumma » qui signifie depuis toujours la communauté des croyants musulmans est proche, voire le même selon les arabes dialectaux, que celui de « maman »: oummi. On retrouve la matrice,  le féminin originel de cette religion faussement dite « d’hommes » dans une culture, aussi, de femmes. Totale.
D’où cette guerre qui est avant tout culturelle, et aussi fraternelle au sein de l’Islam mondial, et dont les membres, il faut peut-être le rappeler, sont les premières victimes et les otages. Pour longtemps.
Islam qui  n’est pas un mot si simple. « Soumission » « reddition » mais sa racine sémite « slm » signifie « paix ». « Islam » donc, se soumettre, se rendre à la paix, baisser les armes et tendre les mains. Faut-il aussi le rappeler?
Pas qu’un hasard…colombe-1940(1)

On n’Arase pas les Montagnes (?)

1024px-Christian_and_Muslim_playing_ouds_Catinas_de_Santa_Maria_by_king_Alfonso_XDans un article du journal Le Monde,  bas de page sur la révolution industrielle du moment, et tout au bout d’une frise chronologique débutant en l’an 1984 (premier objet fabriqué en 3D) on peut lire:

 2016:  « L’Arche de Palmyre, détruite par Daech sera reconstituée en taille réelle par impression 3D »

L’Arche de Palmyre, construction romaine du IIIème siècle après JC, sous l’empereur Septime Sévère.

L’impression d’une destruction, l’impression d’une recontruction qui n’est plus qu’une simple impression, mot impropre: « sculpturation »? Le processus n’existant pas auparavent, le vocabulaire reste encore impropre: quelque chose va se créer sui genesis sous nous yeux. Irréel, science fiction, une boucle se boucle, mais on tourne toujours en rond, en se tenant la main moins qu’en se tirant dessus moins qu’en accordant nos cythares et nos violes… Quid d’une reconstruction des origines en 3D, qui ne fasse pas pleurer???

Ce qui se joue ici, c’est donc la renaissance du monde, l’évitement de justesse de la fin totale. Depuis cet organe vital des origines des hommes, ce bout de terre à la confluence des mers, des continents, où tous s’acharnent comme sur une plaie qui gratte. Faute d’oser amputer (reconstruira-t-on une charnière de continent en 3D?) on insiste, on insiste, et le membre disparait peu à peu, la plaie est devenue un chancre.

Une menace pèse qu’il n’en restera peut-être un jour plus rien, et cette menace de la destruction de la terre originelle angoisse car cette destruction des commencements préfigure peut-être la construction de notre fin. Y aurait-il dans cette angoisse un pressentiment? Mais les russes, nous dit-on se retirent de Damas, on sent comme un soulagement, mais la Turquie pointe du doigt les Kurdes après les derniers attentats, et l’on sait bien que la guerre est infiniment loin d’être finie.

« Nous n’irons plus jamais à Damas ». Les temples en 3D, et les morts aussi, en 3D? Il n’y aura sans doute plus jamais de Damas, à moins de recréer une nouvelle mythologie, comme ces châteaux forts élevés par les croisés, comme ces colonnades romaines qui sont tous signatures de conquérants d’ailleurs. On assiste, pas impuissants mais passifs, à l’engloutissement d’une nouvelle Atlantide, c’est tout.IMG_6815

Sans se forcer à un optimisme fou, on peut se demander: « en sortira-t-il quelque chose de bon? »

Les croisés de l’an mil n’avaient pas de drones ni de puissance atomique. Les chevaux et les hommes mêlaient leurs sangs dans la fureur inouïe des combats et des sièges, sauvageries relatée par les historiographes des deux camps. Amin Maalouf dans « Les Croisades vues par les Arabes », écrit en 1983, consacre tout un chapitre au cannibalisme a l’oeuvre parmi toute une armée de preux chevaliers blonds. Les razzias non moins calculées que sanguinaire de Tancrède, mais aussi il met en exergue cette figure incroyable de modernisme du puissant empereur du Saint Empire, Frédéric II de Hohenstaufen, polyglotte athée, fin connaisseur et ami de l’islam qui mena la seule croisade pacifique. Et fut excommunié par le pape.

C’est aussi le chevalier blond du Septième Sceau du cinéaste danois Igmar Bergman qui perd la foi en terre sainte, la foi en la sainteté de la guerre – il n’y en a que de sales, et la foi même en Dieu. La seule certitude reste la figure obsessionnelle de la mort vêtue dans le film d’une sorte de burka, mi-femme mi-chose assexuée. Mais aussi la certitude d’une pureté possible malgré tout, dans la fragilité de l’existence: scène où le chevalier partage l’enfantin goûter d’une jeune famille et compare désormais sa vie à la nappe immaculée d’un bol de lait frais qu’il tient avec précaution dans ses mains et fait basculer avec une poignée de fruits des bois.

Que l’on en parle en gros titres ou non, cette terre promise, ce Proche Orient nous hante parce qu’il nous constitue en tant qu’Occident. Et qu’aujourd’hui la barbarie qui s’y filme « pour de vrai » remet aussi en cause la pérennité idéale de notre vision du « moderne ». La rédemption ne vient peut-être plus d’Apple quand soldats des deux ou des multiples camps peuvent mourir égorgés, une tablette tactile encore toute chaude dans leurs poches. Quand d’un côté on n’hésite à aller voter pour les hommes politiques flasques d’une démocratie floue et que de l’autre on hurle de rage aveugle en mourant au nom de Dieu…

Nous sommes bousculés à un point qu’il nous est terrifiant de reconnaître. Alors on relativise au mieux. Le monde capitaliste et l’argent comme intérêt éternel et commun. « La vie c’est quand même mieux que la mort, et le bonheur aussi », pour résumer le début d’une des  premières constitutions d’Etat Démocartique. Mais Obama ne s’appelle pas Frédéric, et même « Barack » qui signifie  » celui qui est béni » ou « qui bénit » ( « Barak Laoufik mon frère » pour passer les barrages militaire en Algérie…), même Barack avec sa main tendue au Caire et son Salaamalekum… au fond est tellement moins ouvert au dialogue que son homologue du XII ème siècle, tout en doutant moins de son propre dieu…

Que restera-t-il d’autre qu’une terre élimée dans cette partie du monde dans vingt ans, et même dans cinq? Reconstruira-t-on les montagnes en 3D, les civilisations mortes dans les ruines de la paix?

Souvenir de l’an 1229:

« Quand l’empereur, roi des Franj, vint à Jérusalem, je res­tai avec lui comme me l’avait demandé al-Kamel. J’entrai avec lui dans le Haram ach-Charif, où il fit le tour des petites mos­quées. Puis nous nous rendîmes à la mosquée al-Aqsa, dont il admira l’architecture, ainsi que celle du Dôme-du-Rocher. Il fut fasciné par la beauté de la chaire, en gravit les marches jus­qu’en haut. Quand il descendit, il me prit par la main et m’en­traîna à nouveau vers al-Aqsa. Là, il trouva un prêtre qui, l’évangile à la main, voulait entrer dans la mosquée. Furieux, l’empereur se mit à le rudoyer. « Qu’est-ce qui t’a amené en ce lieu ? Par Dieu, si l’un de vous osait encore mettre les pieds ici sans permission, je lui crèverais les yeux ! » Le prêtre s’éloigna en tremblant. Cette nuit-Ià, je demandai au muezzin de ne pas appeler à la prière pour ne pas indisposer l’empereur. Mais celui-ci, lorsque je vins le voir le lendemain, m’interrogea : « O cadi, pourquoi les muezzins n’ont-ils pas appelé à la prière comme d’habitude ? » Je répondis : « C’est moi qui les ai em­pêchés de le faire par égard pour ta majesté. — Tu n’aurais pas dû agir ainsi, dit l’empereur, car si j’ai passé cette nuit à Jérusalem, c’est surtout pour entendre l’appel du muezzin dans la nuit. «