NO WOMAN’s (vocal) ZONE

Affiche-NLS-DEF-NO-land

Comme tous les films dont le titre intraduisible de l’anglais donne des démangeaisons de traduction, on pourrait dire:

« La chanson du pays de nulle part »

« Chant sans pays »

« Chanson du non-pays »

ou encore:

« La chanson n’a pas de pays ».

Mais le titre comme le film ont été conçus par des iraniens dont l’anglais est sans doute plus instinctif que celui des francophones. Alors on pourrait imaginer plutôt que le très possible « Chant sans frontière » un clin d’oeil à l’expression, No Man’s Zone, sauf qu’il est ici question de femme.

Le Chant, en Iran: No Woman’s Zone. Zone sans Femmes.

Attention.

Comme tous les films documentaires, ou beaucoup, qui traitent d’un pays à travers son chant, son âme perdue, il y a ici quelques points communs du genre avec un Buena Vista, pour Cuba, et plus récemment El Gusto pour l’Algérie. Sauf qu’ici, la nostalgie n’a pas pour objet un style musical oublié, Son ou Chaâbi. Ce ne sont pas des accords du passé dont on fait renaître la beauté, pas seulement. Dans No Land’s Song, les instruments interdits dont il est question n’ont jamais cessé d’exister ni de vibrer en Iran, mais sous une forme étouffée, comme les libertés: les corde vocales féminines.

Mais l’intérêt du documentaire est dans l’émotion qu’il sucite, de manière bouleversante, inattendue, par la puissance du cri de révolte musical. Il ne faut pas aller le voir parce que la couleur de l’affiche est la même que celle de l’écharpe de Mélanchon, ou de Jacques Weber, ou de la vôtre, monsieur au rang devant moi, chapeau de feutre et cheveux gris en désorde soigné rive gauche, qui n’avez pas pleuré.

Donc c’est un film sur lequel il n’est pas besoin de tartiner. La jeune auteure iranienne initiatrice du projet trop souvent, naturellement, au premier plan, la découverte étonnée, mais compréhensible, des artistes français collaborant au projet sur la censure, les revers administratifs etc. Ces mêmes musiciens, les français, si talentueux et fins, Jeanne Cherhal, Elise Caron, qui sauront accorder leur voix dans un unisson de partage et de collaboration. Bon. Le voile levé sur l’étonnante transversalité musicale, et l’ouverture: les sons du batteur assez fou et génial, mais qui manque de se débiner, comme Caron, devant les vetos durs à lever. Davantage de combativité musicale que diplomatique en l’occurence.

Comme souvent également dans ce type de documentaire, mais ici plus que dans tout autre, l’émotion surgit à la croisée entre l’expression d’une révolte par delà le politique, et le beauté ancêstrale du chant. Bien au-delà encore de la coopération binationale, et nécessaire au bouclage du budget, qui laisse entrer dans le film quelques scènes inévitablement bien pensantes et naïves, du type: Jeanne Cherhal, lunette noire, très parisienne bobo malgré tout son talent, ne cèdant pas à un cliché dans un échange, à Paris, avec Sara Najafi:  » je réalise à quel point j’ai de la chance ». De se produire, de ne pas subir de discrimination ou d’interdicion de chanter en tant que femme. Etc. Bien entendu − l’artiste française l’aurait elle tu par politesse?− la chance n’est pas de  notre côté, mais la malchance du leur. Ou encore, plutôt qu’une question de « chance » une question de droit, politique et naturel pour le coup.

 Non. Ce n’est pas pour tout ça qu’il faut ou pas aller voir  et surtout écouter No Land’s Song… Alors quoi?

Ce n’est donc pas un film comme les autres du même genre car en final, c’est un film qui inonde. Et,pour le pire ou le meilleur: on ne sait pas trop pourquoi. Pourquoi, réellement, non pas vraiment, mais on sait, on sent.

Pour quelqu’un, quelqu’une: la voix bien précise, bien supérieure d’une chanteuse iranienne, Parvin Namazi, qui est là, une chanteuse connue, qui participe d’abord de manière subtile aux échanges, femme la plus agée de toutes, mais dont la voix vous coupe le souffle dès qu’elle surgit, du tout début à la fin.

Cette inondation est-elle justifiée? N’est-elle pas subjective? Est-ce vraiment elle, ces quelques minutes qui donne sa saveur au tout? A-t-on raison ou pas, n’est-on pas fou de fondre en larme comme ça en l’entendant?

Je ne sais pas. Mais juste une scène  peut-être… L’esquisser n’ôtera pas l’envie de la voir en vrai. Il s’agit d’un moment extrêmement intimiste, presque impudique qu’ils ont décidé de garder au montage. Un bout d’essai, de répétition en aparté entre le jeune guitariste Sébastien Hoog et cette chanteuse qui pourrait être sa mère. Au bout de quelques secondes le type (hyper talentueux, qui a dû en entendre d’autres…) ne peut plus jouer. Il se contient, il retente, mais rien à faire: dès qu’elle chante il pleure. On le sent lui même stupéfait de cette émotion; n’en pouvant plus, il sort du plan.

Et on sort de la salle comme lui, avec l’envie étrange d’éclater en sanglots de joie, de révolte … d’Enchantement ou de peine aussi. On ne comprend pas tout, et c’est ça qui est beau et qui vous prend: le bouleversement d’une voix a capella, d’une femme qui l’ouvre, majestueusement.

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