SANS LOGIS: acter l’envie

C’est l’histoire d’un journal et indirectement d’un mec qui tient un journal.

C’est l’histoire d’un mec qui vous tend (on dirait sans trop y  tenir, pourtant… las…) une feuille de choux, à 2€ les 35 grammes (la feuille).

AU-JOUR-D’HUI

ON N’A PLUS LE DROIT…

D’AVOIR FAIM

NI

D’AVOIR FROID

Histoire d’une foule de métro qui vous emporte qui nous traîne, nous entraîne, écrasés l’un contre l’autre, on passe son chemin mais nous ne formons qu’un seul corps et la môme Piaf qui chante l’amour nous ramène subitement à celui du prochain.

On redévale les escaliers à rebours d’un courant déjà clairsemé, comme après une ondée brutale d’été, tout à coup c’est tout calme, et le mec est toujours là, yeux bleus fixes dans le visage souriant sans faire attention, timidement. Mais debout, digne.

Pour ça, et sans penser à lire la suite, on pose une pièce de 2€ qui fait presque sursauter la main tendue, parallèlement à celle qui tient le journal, par habitude.

Est- ce que cela va changer la situation macro-économique (du mec) sur le long terme?

Est-ce qu’il ne faudrait pas plutôt aller manifester devant chez Macron?

Est-ce qu’il ne faudrait pas plutôt s’acharner à passer le concours d’entrée à HEC, par un sursaut de grâce divine (sainte) l’avoir, et pour avoir bon coeur momentanément contre son coeur, remonter le courant, cette fois dans le bon sens, de tout un système, monter une start-up qui devienne une multinationale, et avant la soixantaine, justification ultime d’un rabotage de personnalité peu douée pour l’intérêt financier, donner toute sa fortune pour qu’il n’y ait plus, jamais plus, ni SDF ni, le mot est plus poétique, de SANS-LOGIS.

Titre du dit journal dans sa main, enfin, la mienne désormais, un jour d’octobre venteux, 2017.

Est-ce qu’on, tu n’aurais/t pas pu continuer à vivre cette matinée d’octobre venteux et tout le jour qui s’en suivit sans avoir fait ce demi-tour (sur tes hanches et ta conscience?)

Réellement: non.

Autant se jeter sur les rails de Saint Lazare après un saut de l’ange luciférien. Non. La vie n’aurait plus eu de sens, ou la honte eut été trop intolérable sans ces 2 € qui n’ont rien changé à la face du monde, ni à celle du mec au mince sourire fatigué ni à l’état aléatoire d’un porte monnaie luxueux (en comparaison de celui à sec du dit mec.)

Il y a comme ça des fils qui nous relancent quelque part dans les boyaux. Qui nous tordent, et pas d’abord de rire, ce qui, contre toute attente, se produisit grâce à ce journal, et donc, indirectement, grâce au mec qui le tenait.

Hilarité après désespoir. Classique. Haut, bas, et vice versa.

A chacun sa chance dans la vie.

A chacun son petit horoscope annonceur de lendemains qui chantent sans jamais, jamais, jamais déchanter. Non.

Il faut l’avouer, comme on regarde au fond de son âme pour essayer de la sauver… il faut s’avouer qu’on n’osait pas jeter cette feuille de choux  qui s’écornait, jaunissait à vitesse grand V depuis quelques jours dans le sac : pliée en quatre, intacte de toute lecture. Un vieux remords nous empêchait de la jeter, le même remords plein de respect qui nous l’avait fait acheter. « Quoi, ne même pas y jeter un oeil??! » s’écria un Cyrano solidaire d’un geste de cape très efficace s’échappant du coeur…

 

Voilà. Il n’y a rien à dire, certes. Il suffit de lire l’HOROSCOPE en page 15 du journal l’Itinérant, supplément « Sans Logis » (après avoir parcouru toutes les pages consciencieusement, à la fin)

Passé un moment de rire aux larmes, dont on s’excusera ( stupeur causée par les commentaires sans gants) on réfléchit.

Le ton : droit, simple, sans équivoque. Pas optimiste, pas pessimiste. Juste, rude, voire rugueux.

Sans doute composé par un mec, un autre, au détour d’un couloir de faïence, dans un tourbillon d’automne, celui-ci du soir, après un apéro offert et dûment savouré d’un petit bleu Carignan de l’Héraut. Voilà, George ou Hakim vous tapant sur l’épaule comme ne le feront jamais Anne-Sophie ou Agathe, les pigistes de Marie Claire, Elle, et encore moins Eve-Lise, celle du Figaro Madame:

« Hé mec,

Coeur? « vous vous disputez plus que d’habitude avec votre partenaire« .

Réussite? « Ne ruez pas dans les brancards, ça ne servirait à rien ».

Forme? « Détendez-vous ».

Crescendo, plus gai:

« Coeur: mais non, les choses ne s’amélioreront pas toutes seules ».

« Forme: peut mieux faire »

« Réussite: il y a des tensions au bureau. Adoptez une attitude passive en attendant des jours meilleurs ».

Etc etc.

La vie en gris, puis avec un peu de rose:

« Coeur: on vous parle d’amitié, de nouvelles connaissances par le biais de vos amis »

« Réussite: période d’intense créativité, vous ne manquez pas d’imagination »

« Coeur: l’élu de votre coeur vous aime, et vous le prouve »

Enfin, surtout:

« Coeur: vous ne risquez pas de faire tapisserie tout seul dans votre coin, les invitations pleuvent… »

Souhaits, fantasmes dits avec des mots simples, alors suspendant les larmes de rire dans leur chute, voilà qu’il se serre, le coeur…

Comme des envies de s’abonner (l’encart à découper est juste en dessous)

Ou d’Aider

tous ceux, qui n’y arrivent pas, donc, (injustice infâme),

à se:

LOGER*  \lɔ.ʒe\ intransitif ou transitif 1er groupe (conjugaison)

  1. Séjourner ; avoir sa demeure habituelle ou temporaire dans un logis.
    • A Pont-du-Château même, la plupart des maisons réparées et bien entretenues sont celles où logent ces ouvriers ; beaucoup d’autres se délabrent, tombent en ruine. — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : Le problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
    • La concierge logeait au premier. Elle ne pouvait pas entendre. D’ailleurs elle n’était pas là, […]. — (Michel Lambert, La rue qui monte, L’Âge d’Homme, 1992, p.25)
  2. (Figuré) Être contenu dans.
    • Rarement une âme forte loge dans un corps efféminé.
    • L’amour et la raison ne logent guère ensemble.
  3. Trouver place dans
    • Ce fauteuil ne logera jamais dans cet ascenseur! — Peut-on faire loger toutes ces valises dans le coffre?
  4. (Transitif) (Par analogie) Mettre.
    • L’assassin lui a logé une balle dans la tête. — La balle s’est logée dans son épaule.
  5. (Vieilli) Mettre dans un récipient, en parlant particulièrement du vin ou des liqueurs, vendus en bouteille ou en fût, sans qu’on ait à payer le récipient qui les contient.
    • Ce vin se vend à tel prix, logé en barrique.
  6. (Transitif) Donner la retraite, le couvert à quelqu’un dans un logis.
    • Hilperik entra à Paris sans aucune opposition, et logea ses guerriers dans les tours qui défendaient les ponts de la ville, alors environnée par la Seine. — (Augustin Thierry, Récits des temps mérovingiens, 1er récit : Les quatre fils de Chlother Ier — Leur caractère — Leurs mariages — Histoire de Galeswinthe (561-568), 1833–1837)
    • Monsieur le juge, comment serait-il possible que je possédasse une vache tachetée ou pas tachetée, n’ayant ni étable pour la loger, ni champ pour la nourrir. — (Octave Mirbeau, La vache tachetée, 1918)
    • logerez-vous tout ce monde-là ?
    • J’ai réussi à le loger.
    • (Figuré) Toutes les folies qu’un cerveau humain peut loger sont rassemblées dans sa tête.
  7. (Transitif) Déterminer l’adresse où loge une personne.
    • La police a logé le suspect.

 

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* Source Wikipédia.