LE CHANT DU MONDE

 

Cheval ami, et cheval de l’apocalypse. Dans la complainte un peu folle, shakespearienne d’un personnage de Giono, un personnage de femme, lasse des hommes et de leur furie absurde, ridicule. Qui attendrait le déluge, que tous périssent, sous les sabots d’un cheval rédempteur, et pur, et qui l’épargne, elle seule.

p 125, édition Folio, Le Chant du Monde, Jean Giono, paru en 1934. Interprétation libre du chant de Gina.

 » — Ecoute, dit Antonio.

Dans la maison on entendait chanter. C’était des notes basses, graves et furieuses. Ça redisait tout le temps pareil, tout le temps, tout le temps.

Oh! mon cheval!

ô mon cheval!

est-ce que tu peux nager dans le sang?

Fendre le sang comme une barque?

Sauter dans le sang comme un thon?

Écraser des hommes comme des fagots dans la boue?

— Attache sur ta tête un mouchoir d’or,

et je fendrai le sang comme une barque,

et je sauterai comme un thon,

et j’écraserai les hommes comme des fagots,

Pourvu que je te reconnaisse si toi tu tombes. »

 

LONGTEMPS

 

Petite élégie d’été indien

 

Devant le soleil levant,

Devant la mer

Loin des entre-sois

S’échapper et se demander

“Qui c’est, ‘moi’?”

 

Devant un verre

Tout simple et amical

Devant le visage d’un homme

Ou d’une femme qu’on aime

Être soi-même.

 

Parfois se perdre et se dissiper

Dans les communautés

Dans les conformités obligées

Pour ne pas détoner–

Rester soi.

 

Être capable de résister

De serrer

La main de l’Autre

Rejeté, ou critiqué

Rester fidèle à sa vérité.

 

Devant le ciel,

Devant un air de blues ou de Bach

Se foutre des préjugés

Être soi, hors de son Antre

Être libre

Vraiment

C’est à dire

Intérieurement.

 

Et sous le soleil couchant

Tous ces mystères,

Et sans jugement,

Aimer la vie,

Un petit verre, devant la mer

Contre la mort rester Amis

Longtemps.