PAR DELA L’IRREEL ET L’INDIFFERENCE

Dans l’Inconnu sur la Terre, le grand écrivain français né à Nice, JMG Le Clézio parle non seulement du « Bleu infini du Réel », mais surtout il affirme dans une de ses pages où la poésie rejoint l’essai et la réflexion métaphysique, que la Réalité est stable, simple. Que ce sont les hommes, avec leur folie du Logos, c’est à dire leurs pensées, leurs tourbillons intérieurs, leur vanités de fausses idées, qui fichent le bazar et se rendent malheureux, sans véritable Raison, du point de vue de cette Raison supérieure, universelle, paisible, cosmique.

Puisant à la double inspiration de ce texte mais aussi des sagesses védiques à l’origine de l’hindouisme, ou encore aussi comme les grecs le concevaient, la réalité véritable est Harmonie, et le bonheur des hommes, leur capacité à se mettre au diapason avec elle, dans leur corps individuel, comme social.

La spécificité de l’humain, pour ne pas dire sa spécialité, étant de pouvoir rompre cet ordre, pour le meilleur mais souvent pour le pire, ordre auquel les autres vivants, eux, ne voient pas trop à redire.

C’est ce qui a fait les avions, le bonheur d’utiliser un sèche-cheveux le matin, de ne pas mourir à deux ans d’une bête appendicite, mais aussi de se massacrer, souvent plus que de s’aimer, les uns, les autres.

Que tout ceci soit bon ou mauvais, dans la sagesse spécifiquement védique, celle des Upanishad et de la Bagavad Gîta, cela importe finalement peu, du moins beaucoup moins que dans la doctrine chrétienne.

Le ciel passe. Dans cette autre sagesse antérieure historiquement à toutes celles qui ont fondé le monde contemporain, le temps est destructeur, le Divin absolu est à la fois producteur de mort, de vie. Avec une telle conception, Elie Wiesel ne se serait pas révolté devant l’azur tranquille au dessus d’Auschwitz, un matin de printemps, comme il le décrit dans La Nuit. S’il avait été un Brahmane du subcontinent indien du sixième siècle avant notre ère, jamais l’automutilation humaine à l’échelle industrielle ne lui aurait fait perdre sa foi dans le Divin (« Brahma »). La question de l’éthique se serait posée, celle de la révolte, de la responsabilité, de la folie des hommes, de leur injustice, non celle du Monde.

On a rappelé ce matin sur une radio française que le Dieu chrétien est amour et appel à la solidarité et que c’est pourquoi l’Eglise est visée. Bien entendu ce n’est pas faux, mais ce n’est pas vrai non plus.

Le dieu des chrétien est tellement Amour que l’on a massacré en son nom. Il l’est tellement que tout chrétien qui se respecte devrait aujourd’hui non pas suivre les ascèses de Saint Ignace de Loyola mais le modèle du Fils de Dieu, chassant les marchands du temple, disant que le vrai trésor de l’homme c’est son coeur, maudissant le matérialisme et l’accumulation démesurée et égoïste de capital, au contraire, faisant l’éloge du don gratuit de tout.

Ce n’est donc pas ce Dieu là ni son Fils qui ont été attaqués ce matin. Ce n’est pas l' »amour » en soi, puisqu’il faudrait pour cela que les « terroristes » aient une connaissance minimale de la religion chrétienne quand ils n’en ont même pas de la leur, profondément.

Tout ceci est ABSURDE : étymologiquement, discordant, qui rend sourd, qui fait un bruit chaotique, un son faux qui rompt l’harmonie de la vie et du monde, qui casse la beauté du Réel. C’est l’humain pris dans son propre vertige destructeur, et autodestructeur, manipulé par des idées folles et peu claires, nourries par la pauvreté, les ressentiments culturels, historiques et politiques. Ce que cet homme d’Eglise sur la radio a qualifié d' »Esprit du mal », de Démon, en grec daimôn négatif, dont l’individu en tant que tel n’est pas responsable, comme une tempête folle qui le traverse, et qui en même temps, permet de lui pardonner.

En clair : le ciel aujourd’hui est triste, et bien en harmonie pour le coup avec le sort de quelque millions d’humains alarmés sur un coin hexagonal de la planète.

A relire donc tous les textes d’Elie Wiesel partant de la Shoah, à repenser à tous ces égarements religieux depuis les croisades et les premiers grands massacres inter-humains au prétexte de conceptions soi-disant divergentes du Divin, on se dit que depuis le 11 septembre, la barbarie a quelque chose de ringard. C’est bon, c’est fini tout ça, stop. La crise d’ado, c’est fini, il faudrait enfin être sages, adultes, non pas s’embrasser tous à pleines bouches masquées, mais quand même, arrêter d’exagérer comme ça.

Donc en final, puisqu’il faut bien rassembler les idées de manière simple, pour empêcher la compassion de déborder en larmes de rage inutiles et paralysantes à titre individuel, puisqu’il faut bien vivre et ne pas grossir à la loupe une blessure certes sanglante dans le sein d’une sphère qui continue néanmoins de tourner:

1/ La vraie réalité n’est pas la barbarie, par delà les nuages, le ciel est bleu, l’univers produit de la création comme de la destruction que l’humain ne devrait pas précipiter stupidement, s’il veut la paix.

2/ Par delà le bleu du ciel, L’Univers aussi est noir, infiniment, et silencieux. Il n’y a pas franchement de quoi non plus éclater de rire, juste peut-être se réjouir d’autant plus de cette précaire réalité vivante du Bleu qu’il nous est donné de contempler pour un temps restreint. Et sans nous laisser tordre le ventre par la barbarie humaine, tout en se rassurant sur un ordre cosmique des choses, de la réalité sans doute de quelque chose de beaucoup plus Grand que nous, ne pas oublier en même temps de compatir :

Parvenir à vivre heureux, sans être indifférent. Défi de l’époque.

copyright images clrissselee

OR d’AUTOMNE

Une chanson retrouvée griffonnée sur la table après le dernier conseil des ministres. Un jeune président rêve à l’impossibilité que les gens soient tous heureux en même temps, comment faire? Une certaine forme d’Or naturel existe, qui relativise tout… même l’argent.

Solor

L’AUTOMNE…

L’automne est belle, dans sa robe de feuilles…

deux êtres se tiennent par la main.

Ni jeunes

Ni vieux,

soucieux, mais heureux. Pas vraiment riches,

sauf d’être amoureux, dans le soleil d’or

du matin.

D’autres jouent à la guerre, c’est merveilleux.

L’automne leur fait une crise de jalousie

qu’ils ne voient pas.

Le soleil roux, les pauvres heureux n’existent pas

pour eux.

Le soleil d’or, être amoureux, ces trucs gratuits–c’est fini.

Elle,

sort ses dentelles, elle se déshabille.

Au bord de la rivière, ses dentelles naturelles

De fougères, de lumière sur l’eau qui brille… cette vieille grand-mère, toujours fraîche : l’Automne

les enivrent : Ils se dépêchent.

De sauter

De s’éclabousser, de rire,

Comme si rien n’avait jamais existé

D’autre que cette liberté

De n’être rien, mais d’être tout

Les poches vides mais

Une main chaude dedans, le coeur

Plein de diamants.

….

L’Argent… c’est très important.

Mais

Parfois

Ce n’est pas suffisant… l’argent…c’est

très

très important mais

parfois on s’en fout vraiment….

Toutes images clr. issselee : Pantin, île de France, et source de la Roche Jagu, Bretagne.