« RAYONNER LA BEAUTE »: Kheper

Elle avait une peau de porcelaine qui diffractait l’ensemble du spectre lumineux. On l’aurait dit asiatique, Mishima et Chopin seraient tombés amoureux.

Elle était l’idéal d’une chanson de Marc Knopfler, tous les pirates du monde la cherchant en vain dans l’ombre de leurs catins.

Elle était très jeune, si jeune, si pure qu’on ne lui donnait pas d’âge. Elle avait la sagesse de la vieille Pythie de Mantinée chez Platon, et l’innocence intacte malgré la Connaissance.

Au fond de son corps étaient repliées ses élytres, sous la carapace de sa peau irradiante.

Qui sait si le dieu Khepri, celui qui fait advenir le soleil chaque matin en le roulant comme une boule de terre, une boule de bouse prosaïquement, la lumière jaillissant de la merde, qui sait si celui qui avait le bousier sacré comme emblème n’était pas une femme?

Scarabée

Dans le désert il n’y a rien. Le désert de la haute Egypte, par delà les rives limoneuses de la vie. Quand sur le sable dans la lumière naissante s’avance tout seul un bijou poussant patiemment son rocher de Sisyphe, à flan de dune douce. Un enfant il y a environ 4000 ans vit ça, un jour. Plus tard devenu grand-prêtre à la ville du soleil, Heliopolis, il ressentit l’évidence de donner au dieu qui s’engendre lui même, qui « vient à sa propre naissance » Kheper, l’attribut symbolique du scarabée : hypothèse fictionnelle.

Ou de la scarabée.

L’avènement journalier du Soleil est un miracle; comme le retour de l’espoir plus fort que la nuit. Un scarabée qui se pose, mystérieux, soudain, a dans de nombreuses cultures toujours été signe propice.

Le grand écrivain japonais du 20 ème siècle, Yukio Mishima le fait surgir à deux reprises dans Neige de Printemps, premier volet de sa trilogie La Mer de la Fertilité. Dans la première, l’apparition de l’insecte vient clore un chapitre où le jeune héros apprend que celle qu’il essaie de ne pas aimer vient de sceller son sort à celui d’un membre de la famille impériale. Il feint par l’art du langage et son esthétique orgueilleuse: l’indifférence. Une fois son confident parti, il se retrouve seul face à lui même, un jeune humain qui pense que les mots d’esprit et la psychologie peuvent s’autosuffirent pour dépasser les tempêtes de l’âme et l’absurdité de la vie quand elles vous submergent. C’est alors que:

« Son oeil fut attiré par le dos irisé d’un scarabée qui, après s’être tenu sur le rebord de la fenêtre maintenant s’avançait carrément dans la chambre. Deux raies d’un rouge cramoisi couraient le long de sa carapace ovale où brillait le vert et l’or. On le voyait agiter prudemment ses antennes avant de poursuivre sa marche en avant sur les petites dents de scie de ses pattes qui rappelaient à Kiyoaki de minuscules outils de bijoutier. Au milieu des remous dissolvant du temps, n’était-il pas absurde que cette tâche minuscule de couleurs richement concentrées, demeurât en sécurité dans un monde à elle? Peu à peu cette scène le fascina. Petit à petit le scarabée continuait à se faufiler, corps chatoyant qui s’approchait de lui comme si son cheminement sans but avait enseigné que dans la traversée du monde en changement perpétuel, l’unique chose qui importe était de rayonner la beauté. Et si lui-même allait mesurer selon ces données la valeur de l’armure protectrice de ses sentiments? D’un point de vue esthétique, était-elle aussi impressionnante que celle de ce scarabée? Et était-elle assez solide pour offrir un bouclier aussi bon que le sien?

En cet instant, il fut près de se convaincre que tout le monde à l’entour de ce scarabéeles feuillages l’azur du ciel, les nuages, les tuiles des toits- ne s’y trouvaient en vérité que pour le servir, le scarabée étant quant à lui, le pivot, le noyau même de l’univers »

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