« Bien sûr on peut dire que l’éducation européenne, comme le dit Tadek Chmura ce sont les bombes, les massacres, les otages fusillés, les hommes obligés de vivre dans les trous, comme des bêtes… Mais moi, je relève le défi. On peut me dire tant qu’on voudra que la liberté, la dignité, l’honneur d’être un homme, tout ça, enfin, c’est seulement un conte de nourrice, un conte de fées pour lequel on se fait tuer.
La vérité, c’est qu’il y a des moments dans l’histoire, des moments comme celui que nous vivons, où tout ce qui empêche l’homme de désespérer, tout ce qui lui permet de croire et de continuer à vivre, a besoin d’une cachette, d’un refuge. Ce refuge, parfois c’est seulement une chanson, un poème, une musique, un livre.
Je voudrais que mon livre soit un de ces refuges, qu’en l’ouvrant, après la guerre, quand tout sera fini, les hommes retrouvent leur bien intact, qu’il sachent qu’on a pu nous forcer à vivre comme des bêtes, mais qu’on n’a pas pu nous forcer à désespérer. Il n’y a pas d’art désespéré – le désespoir, c’est seulement un manque de talent. «
Citation de Romain Gary dans L’Education Européenne, évoquée ce dimanche par Marc-Alain Ouaknin et l’écrivain Helios Azoulay sur France Culture.
Si la guerre est la maladie de l’Homme, elle est la maladie qui englobe et dépasse toutes les maladies.
La guerre est la seule solution aux maladies: soit générale, en tuant les malades eux-mêmes, soit intime: se battre contre, lutter.
N’importe quel sursaut, sacré ou profane est bon: fissure dans le ciel par où voir une issue, éclat de rire, ou repli sage. Tout est bon.
Comme dans toute guerre, les armes ne sont que le remède provisoire, pas la solution définitive.
La solution définitive, la vraie guérison, passe par la paix des coeurs et des intelligences entre elles.
Cette paix, pleine d’énergies nobles, de fois diverses en l’humain et la vie, est possible.
La trouver, y croire : c’est ça le talent.
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Preuve que l’artiste n’est pas toujours à la hauteur de ses coups d’éclats, et que le courage des mots exige le long labour moral de toute une existence, avec ses gouffres, ou juste que parfois l’art a besoin de sagesse pour prouver sa vérité, nous appelant tous à la vigilance, au courage de l’espoir face à l’Absurde, et c’était là peut-être son dernier message : Romain Gary se tua.

Abou Simbel, résistance de la nature et de l’art face au désert du Temps.