AVRIL 1630

Dispersion totale de l’être dans la souffrance : voie d’accès à la compassion.

La sentence était gravée dans la pierre en lettres romaines, en plein centre du plein cintre, sur cette voûte sous laquelle claquaient les sabots des chevaux et les cris des hommes au bras puissants, au fronts bas, poussant les charrettes chargées à plein.

Peu d’entre eux lisaient l’inscription—à vrai dire, personne. L’abbé Martin lui-même baissait les yeux dans une conscience presque honteuse ; à quoi bon lire l’inaccessible ?

Et puis beaucoup d’humains ne savaient pas encore lire, à cette époque. Et quand bien-même ils auraient su, quelle différence ?

Savoir lire est-ce savoir comprendre ?

Parfois, mieux vaut ne rien savoir du tout.

C’est ce que se disait la jeune sœur Zibeline.

Le père Martin allait porter la dernière communion aux moribonds, les charettiers évacuaient les corps vers les charniers, Zibel, comme l’appelait son ami Renan, tâchait par des gestes de guérison inefficaces, de transmettre un ultime souffle de vie dans des corps condamnés.

Parfois, se disait-elle encore, mieux valait la prière et un drôle de sursaut dans l’œil qui ramenait par d’étranges miracles, la bascule du côté des vivants.

Quelqu’un avait martelé dans la pierre ces mots d’une main d’habile tailleur, un tailleur qui avait sûrement souffert le martyre, et s’en était tiré, un tailleur, ou un charpentier, ou son fils, de ceux qui finissent cloués. Peut-être était-il mort pour de bon, depuis. Les guérisons ne sont que des suspensions provisoires d’un mal qui doit tout emporter, et qui s’appelle la Vie. De vieillesse ou d’une rechute, ou d’un jugement dont on se lave les mains, l’homme au bras sûr de son acte et de ses mots avait gravé ceci, et quoi qu’il arrive, pour des siècles et des siècles, avant que le monde n’implose, ces lettres dans la pierre froide de ce matin de printemps lui survivraient, leur survivraient, d’au moins quelques millénaires.

C’était un 15 avril 1630. La cour carrée dessinée par Vellefaux n’avait pas pris une ride encore depuis sa construction.

La jeune femme n’oubliait pas que le « bon » roi qui avait donné son nom à cette enceinte était mort devant Tunis de dysenterie. Le vieux père Martin y pensait souvent. Ils surveillaient ainsi tous leurs selles avec un soin scrupuleux, de même que la nourriture ingurgitée. Ils se lavaient les mains au vinaigre flambé. Ils ne mangeaient que des galettes de blé grillées et des légumes blancs bouillis avec force gros sel. Ils évitaient les salaisons et la viande.

Tout pouvait déraper facilement. Le mal comme le bien : un pile ou face rejoué chaque jour à la fantaisie du Ciel.

Mais de la dissolution des corps, mais des âmes abasourdies par l’imminence de la mort et de la souffrance, des rires pour couvrir les cris d’effroi, qui en parlaient ?

Les charretiers poussaient leurs tombereaux vers les charniers, les médecins avançaient doctement dans leur ignorance pleine d’assurance, le père Martin allait dire ses messes—les prières étaient belles, et la jeune Zibeline, dans tout ce chaos de détresse, essayait, sans bien en avoir elle-même conscience, d’apporter un geste d’humanité et de grâce au milieu de la boue, comme un sursaut de dignité, de douceur et de rédemption.

Peut-être que personne ne la voyait. Peut-être qu’au contraire on ne voyait qu’elle, avec cette drôle de lumière autour de sa coiffe blanche et de son regard pur qui semblaient nier avec un entêtement divin la fatalité du mal et de l’indifférence.

Un mot rayonnait dans son sourire, et ce mot était plus que tout l’amour qu’elle aurait pu porter à un seul homme, même Renan :

COMPASSION.

LA DERNIERE NOTE, LE COW-BOY, et BACH

Il mettait son chapeau à large bord, et il sortait dans son parc. Sur une chaise. Tranquille.

On aurait dit Henri Fonda dans « My Darling Clementine ».

Il regardait les arbres, en noir et blanc, dans la lumière intense de l’été ou dans celle des neiges de l’hiver.

Il attendait. La mort, la dernière note de jazz–enfin, c’était certain, ça viendrait, un jour–comme l’amour, comme l’amour était venu. « Chaque chose en son temps ». Voilà, c’est ça, se disait-il.

Ensuite il rentrait. Il retirait son chapeau.

ça sentait bon, Jane faisait une tarte au pommes avec de la cannelle et des petits raisins de Corinthe gonflés dans du whisky. Elle écoutait le soleil dans la cuisine, elle chantait en silence.

Il mettait son disque préféré. Dans le salon

« Faut que ça swingue!  » Il disait « Souaingue ».

Il n’était pas vraiment un vrai cow-boy américain. Mais le jazz fusait, et Bach twistait, mieux valait attendre son rendez-vous sur cette harmonie là.

« Faut que ça pête! Ya pas assez de jaune dans cette baraque!! »

Il beuglait ça, à l’intérieur de lui-même, et ça le faisait sourire.

Il avait fait agrandir une photo d’une oeuvre de Joan Mitchel, une photo qu’il avait réussie à prendre, et qui valait toujours mieux qu’une croûte qu’il aurait pu maladroitement barbouiller, en s’y mettant vaguement. Il avait toujours été trop impatient, pour la peinture, ou trop humble. Il n’avait pas osé.

C’est ce qu’il se disait. Il n’avait pas été assez américain, pas assez écouté Jacques Loussier faisant danser la Fugue N°16, Partita N°1 de Bach, à sa manière. Il aurait fallu Faire en s’en foutant « take it easy »:

TIE

C’était un bon acronyme, TIE pour DIE, ça valait mieux.

S’il ressuscitait, il ferait ça mieux: TIE, plus tôt. Rencontrer la femme qui faisait des tartes aux pommes en twistant, en sifflant, prendre un pinceau, un rouleau, envoyer les couleurs du soleil et de la douleur guérie tourbillonner ensemble dans de jolis bouquets abstraits.

Moins se prendre la tête, rêver. Un peu plus tôt, mais jamais trop tard, c’était mieux que rien.

Quand le disque était fini, et la part de tarte savourée avec un thé froid ou chaud, avec elle, il remettait son chapeau, il ressortait au soleil regarder les oiseaux, histoire de ne pas saturer d’un trop plein de musique ou d’amour, et puis, le besoin se faisant ressentir, il savait qu’il rentrerait à nouveau, et que ça recommencerait, toujours pareil, mais toujours nouveau, elle, belle, dans la lumière chaude pleine de cannelle douce, comme sa peau, il y a longtemps, et la musique pour danser de joie, de sagesse.

A nouveau, A jamais.

OEUVRE AU NOIR CACHEE DERRIERE

Dans un train

il n’y a pas très longtemps, Pierre Soulages avait cent ans. Son épouse aussi, c’était écrit dans le journal, qui, dans l’écran noir de la vitre double vitrage, se reflétait. C’était un moment de bonheur du réconfort après l’effort.

Jade allait rejoindre un ami, après une trépidante journée de travail, un ami près de la frontière allemande, un ami peintre. Elle savait pourtant qu’être peintre ne garantit ni l’amour à vie, ni la longévité. Néanmoins, elle avait aimé ce moment plein d’espoir tranquille, au moins dans l’accomplissement des rêves à court terme.

A la croisée d’un titre de Marguerite Yourcenar et de celui d’une chanson de Laurent Voulzy, j’ai pensé à l’homme si grand au nom qu’il porta peut-être au début comme un défi à accomplir, et finalement, le réalisa.

Il faut être fou pour être peintre. Obsessionnellement peintre. Puisqu’un jour de ses sept ans, un petit garçon pour représenter de la neige « pris du noir », tout le reste n’est qu’une suite logique. Une logique en apparence parfaitement maîtresse de sa folie, comme le chaos géométrique des grandes solives noires barrant la toile.

Pierre se soulagea-t-il? De cette chose noire cachée encore derrière la lumière cachée derrière le noir? Ou le ciel?

Si la lumière est belle, c’est toujours à travers le poids du noir, encore plus incroyable comme la vie à travers la mort.

L’oeil est invité à se frayer un passage dans des voiles ou des enchevêtrements comme par dessous une cabane de branches ou un bucher, regarder dehors, sortir, et le passage devient beau, c’est le reflief du chemin de la vie entre le noir et le blanc, et vice versa.

Couleurs élémentaires et éternelles, noir, blanc, bleu et terre minérale, hors du vivant.

Soulagement?

Oui et non, assurément. A chaque oeuvre, à chaque nécessité d’une nouvelle oeuvre. Mécanique de toute création un peu thérapeutique. Même si son noir était lumineux, comme aurait dit un prophane bien franc du collier « ce n’était pas gai » non plus.

La beauté, sans doute la vraie beauté grave, ne rit pas aux éclats. Le regard de Soulages ne riait pas aux éclats.

Quelle était cette chose derrière la chose?

Sans faire de trop grande métaphore psychanalytique: en 1926, à sept ans, on apprend dans sa biographie qu’il perd son père.

Que par la suite sa mère et sa soeur qui l’élèveront garderont le deuil, ce qui signifie à cet époque, « être en noir », pour toujours.

Image d’en-tête: « 3 Mai 1962 », Pierre Soulages, huile sur toile, Detroit Museum of Art

Image de fin: « Bouquet » quai de l’Ourcq, 26 octobre 2022

LA MOURT

Il a fallu d’un petit rien.

La Vie, en son début comme sa fin, se joue sur des petits riens.

Un dérapage, pour le pire ou le meilleur, un recadrage, une syncope, une chute depuis un escabeau, mais aussi, qu’avait-il besoin de monter dessus, qu’avait-il besoin de l’installer sur le sol glissant et concave de sa baignoire?

On croit toujours tomber involontairement, sans l’avoir fait exprès. ça vous saisit, on croit que ce n’est pas notre faute.

Est-ce notre faute de tomber dans la mort, ou dans l’inverse?

On ne sait pas.

Tout ce qu’on sait, à jamais, c’est vraiment qu’on ne sait pas.

ça nous dépasse.

Bref, un tsunami se pointe sur la plage, l’avion n’a plus de moteur, le cheval se cabre sur un pont (il est si doux d’habitude) il fallait réparer le rideau de douche. Quelque chose s’est coincé dans l’aorte, elle ne mangeait poutant pas de mauvaises graisses… enfin le coeur lâche, ou au contraire s’ouvre comme des poumons après une plongée dans les abysses: c’est la grande mort ou la petite, le noir ou le rouge amoureux. Les deux sont si liés, et le français le dit si bien entre toutes les langues.

Il lui manque un T

Elle a oublié son U.

Peut-être qu’au fond, les deux c’est pareil. C’est l’Effroi, quand c’est là. Sinon ça n’y est pas. Si on en rigole, c’est qu’on est pas si malade.

L’amour fait mourir à soi.

La mort fait mourir tout court.

Le vrai amour donne envie de mourir sans toi.

La mort est préférable à une vie sans amour.

La mort ne serait pas triste sans l’amour.

L’amour ne serait pas vital sans la mort.

Eros et Thanatos intimement liés dans un tango étroit, une valse jazzy et légère après tout, pas forcément tragique, mais à un moment ou un autre, à un moment,

ou un autre

douloureuse.

C’est pour mieux jouir, mon enfant. C’est pour mieux emmêler les deux élans dans un seul.

On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, merci de régler en Paradis.

Mieux vaut être (se dit on dans les draps de l’emmêlement) que de ne pas y être.

Mieux vaut ne plus être que de ne jamais avoir été.

Paradoxalement peut-être, seul l’amour au sens amoureux total tue la peur de la mort. L’amour du sacrifice par la mort.

La mort du sacrifice par amour. Il faut s’imaginer la figure héroïque du Christ comme un homme capable de ressentir « cet amour là » dont parlait Prévert, élargi à l’ensemble des êtres. L’amour Orphique, du type ou de la nana qui se fout des enfers, du noir, prêt à tout endurer, l’épreuve ultime du néant même, pour faire revivre l’amour. Juste un instant, au moins.

La peur égoïste de la disparition de notre ego, cette angoisse banale de notre condition à laquelle nous renvoient les larmes sur ceux que l’on aimait pas forcément, le rappel tragique de notre petite nature finie n’existe plus dans le moment de l’amour infini comme dans celui de la mort d’un être aimé. Il y a décentrement de soi même, ou recentrage avec notre essence vitale plus profonde encore que notre mesquine conscience individuelle.

Cet élargissement cosmique, « sentiment océanique » évoqué par Valéry, on peut avec raison faire l’hypothèse qu’il est celui dans lequel la mort, pareillement que l’amour, nous fait tomber.

Donc il ne faut pas avoir peur.

Comment se convaincre d’une vision si folle et si juste? Si naturelle… Ce qui germe est ce qui va tomber. Ce qui tombe est ce qui va faire germer. Penser: cycle naturel, sorte de fatalité qui ne serait ni bonne ni belle, si elle ne rendait au pas sage, heureux.

Il ne faut pas avoir peur.

« ES IST GUT* » a dit Kant, ce grand sensuel pudique, avant de s’éteindre.

* « C’est bien/ bon ».

Levant Couchant/ automne 2021

CHRYSANT’AIMES

Quelque part, dans un petit bois caché, une sorte de clairière parsemée de mousse, il venait tous les jours.

Tous les jours, qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il fasse tempête ou grand beau temps, il venait, infatigablement.

Naturellement.

Il n’avait pas à beaucoup se motiver pour cela, ou à se forcer. C’était en quelque sorte  avec plaisir qu’il venait, bien que ce fusse un étrange plaisir: il en pleurait parfois, et malheureusement pas de joie.

Tous les jours sous le soleil que Dieu (ou sous dieu que le Soleil) avait crée.

Depuis… 15 ans.

Il y a des années qui passent comme des flèches, rapport à certaines activités. Celle-ci, d’arroser les chrysanthèmes or et sang, étaient de ces gestes en apesanteur qui arrêtent le temps et les décomptes.

Pendant 15 ans il avait aimé, il avait été aimé, et de bien des personnes, et prenant lui même bien des visages pour aller avec ces personnes.

Il avait souffert, travaillé, joui, eu des moments de doutes, parfois de désarroi, parfois au contraire d’espoirs héroïque digne d’un Dieu.

Parfois il s’était senti un Dieu, parfois un nabot, c’est le destin d’un homme à peu près normal d’à peu près quarante ans.

Les mots « condoléances » qu’ont lui avait dit, il y a quinze ans ici et là, il s’en souvenait;

Qu’est-ce que ça veut bien dire que ce mot là : »condoléances »?

con : du préfixe latin « cum » qui veut dire avec, comme lui aurait rabâché son ex (prof de français normalienne), et « doléance », à cause d’un bonheur tout personnel à traduire le Stabat Mater de Pergolèse sans avoir jamais fait de latin : dolor, douleur, souffrir.

Condoléance, souffrir avec, au sens premier.

Bien peu avait souffert avec lui.

Peut-on souffrir comme son prochain? Peut-on être dans la peau de celui, celle, qui perd son parent, père, mère, soeur, frère, cousin, ami?

Qui saura en secret les souvenirs, cette part de soi que l’autre emporte et que seul le dire, le souvenir, la photo jaunie, ou l’histoire que l’on décide de raconter et d’écrire pourront ressusciter?

Elle: qui avait souffert avec lui de sa perte? Qui était-elle pour lui? A quoi bon le dire.

Là, dans la petite clairière moussue, la vieille dame reposait, comme une princesse à qui il avait juré sur sa propre vie de ne jamais faillir, de rester brave, même si le monde entier et le ciel  lui tombaient dessus. Même si tout devait le décevoir en cette vie, il avait le devoir de rester vivant, et de sourire, et de danser.

C’était la promesse qu’il lui avait faite, au bord de cette tombe, un soir doré d’octobre qui sentait les pommes Reinettes qu’elle aimait et les tartes aux raisins aigrelets.

Mais il n’allait jamais au cimetière où elle ne reposait pas réellement.

Elle, elle était sous les mousses de ce paradis feu et ors,  elle choisissait des chrysanthèmes fushias et des Dahlias beaux comme des étoiles, parce que c’était le 2 novembre, jour des morts, et lui enfant, il l’accompagnait chez le fleuriste.

Mais en vraie de vraie réalité, elle, elle n’était pas du tout morte. C’est pourquoi il n’avait jamais été dans ce cimetière pour l’y fleurir. Elle, on ne la fleurirait jamais, que dans cette clairière, et pas une fois par an, mais tous les jours de la vie, depuis 15 ans et jusqu’à sa propre fin

Parce que cette clairière c’était son coeur, à lui, et pour Elle, le plus confortable des paradis fleuris.

11- NAÏVETÉS

C’était un mardi comme tant d’autres, et le vent de Dieu soufflait sur la création.

Il n’y avait pas un nuage, au dessus de la Tour Eiffel, on se serait cru dans une peinture naïve des débuts du XXème siècle, quand on croyait encore les cataclysmes impossibles.

On croit toujours, on veut toujours croire les cataclysmes impossibles, même quand ils ont eu lieu.

On croit, on veut croire, que c’était tellement énorme, que ça n’arrivera plus jamais. Classique.

On se réfugie dans le trou d’obus, par esprit à la fois mathématique et magique, par superstition, par raison : ça ne peut pas tomber une deuxième fois au même endroit.

Peut-être même qu’on arrive avec le temps à se persuader de l’inexistence des obus.

C’est l’être humain qui veut ça, une source incroyable d’espoir fou, jusqu’à l’inconsciente légèreté et soudain…

Ω

Elle s’était fait cette réflexion dans le métro alors qu’elle partait en reportage : “cet hiver, il me faut une cheminée”.

Comme ça, d’un coup, elle avait réalisé la différence entre “avant” et “aujourd’hui”. Le point pivot n’avait pas été la perte de Fantin, finalement. Elle venait d’ailleurs de le revoir la veille, avec obligation de le disculper. Ce n’était pas à cause de lui, non, et Dieu savait s’il n’était pas prêt à revenir un jour (Fantin) … il était capable de tout, enfant capricieux, désormais qu’elle lui affichait une tendresse presque sororale.

Donc ce n’était pas lui, le feu, l’étincelle, qui parfois manquait comme un paradis perdu, ça ne pouvait pas être lui, ni eux.

Le métro aérien filait gentiment vers le Champs de Mars, le ciel était toujours estival, l’hiver n’était pas prêt de se pointer, et elle avait réalisé comme ça, ou senti, un désir puissant, non plus de Fantin, mais justement de froid et de chaud, d’hibernation, de grotte, de champs givrés, de corbeaux de Bruegel, de refuge, de brume mais de crépitements : d’un feu de cheminée.

Cela pouvait bien se trouver. La solution d’une envie simple.

“Cherche homme avec Cheminée”. Fantin lui avait fermement déconseillé de chercher quoi, qui que ce soit, avec une moue bien à lui qui trahissait possessivement sa peur qu’elle ne trouve.

Mais elle était libre.

“Cherche soleil d’hiver, cherche Cheminée”.

Ça irait bien comme ça.

A l’époque elle avait un téléphone portable dont elle ne se servait même pas, et ce n’est que de retour chez elle que la bombe médiatique, le streaming latest breaking news avait explosé. Tout effacé.

Des fourmis enflammées, deux termitières en ruine. Tragique, elle en pleurerait des années après.

Fini les jeux de miroirs, de l’art avec le réel, de Fantin.

Tout ça ne servait à rien peut-être—des évasions.

Sous cet augure mauvais, mais peut-être bon aussi, comme une piqûre de rappel, s’ouvrait alors le siècle, le millénaire.

La vieille nécessité de s’entendre, dans l’avènement d’un monde global où les uns croyaient vert, les autres bleu, où l’on voyait le bien et le mal à travers des kaléidoscopes psychédéliques.

Et puis Babel avait prit un coup, mais ne s’était pas effondrée. Tant bien que mal, par la conscience du danger incessamment renouvelée et par les actes de sursauts qui en avait découlé, en découleraient dans les décennies futures—l’humain avait une belle tendance à ne pas vouloir totalement s’autodétruire, en spécialiste des rebonds in extremis. Il fallait croire.

Collectivement et à la fois

Individuellement, pas égoïstement.

Et puis l’amitié avec Fantin avait été plus forte que les mirages de brumes passionnels, et puis la sagesse était revenue et : elle avait fini par trouver une cheminée où brûlent des feux de joies.

 

SAINT-ROCH 22/02/2019

Il faisait beau sur Paris.

C’était le printemps, enfin, après un interminable hiver qui avait tous voulu nous abattre.

Il y avait un air de flottement incertain dans la lumière dorée de la fin de journée, et les parfums imperceptibles de bourgeons et de verdure. Quelque chose de grisant, de fragile comme le bonheur, à quoi nous, les humains marchant sur les trottoir, ne semblions pas encore pouvoir croire.

Le retour de la vie, et, presque, oui, d’une forme de joie enfantine.

Elle marchait, elle était debout. Elle avait lâché ses long cheveux châtain foncé, cascadant sauvagement dans son dos, sur son grand cardigan bleu marine. Elle n’avait pas voulu maigrir, elle n’avait pas voulu souffrir. C’était venu comme ça. « Chagrin », « Deuil », il suffisait peut-être de poser des mots simples, et de s’envelopper dans la laine bleue sombre d’un gilet, de tourner un visage fatigué vers le ciel pastel de la fin de journée, de respirer.

Elle avait vingt minutes d’avance, et décida de faire un tour dans le quartier. Elle prit une petite rue qui descendait vers les Tuileries et s’émerveilla devant la beauté familière de cette ville où elle se sentait chez elle. Elle songea que c’était bien évidemment cela l’amour: cette capacité à l’étonnement, avec toute la fraîcheur des premiers jours, devant un visage de chair ou d’architecture que l’on connaît pourtant par coeur. Cette réassurance qu’il est là, et demeure  toujours aussi charmant, et inchangé.

   En haut des marches de pierre blonde, les hautes portes de bois s’ouvrirent avec un grincement sur cette éternelle odeur de voûte humide, d’encens et d’anciennes boiseries cirées.

   On voit l’amour comme on voit Dieu: là où on le désire. Et Dieu ce jour là n’était pas à chercher dans l’ostentation baroque, ce mélange de classicisme froid et de soudaines exubérances ornementales et doloristes.

   Elle chercha le choeur, et s’assit sur une chaise de la dernière rangée, c’est à dire l’autel dans son dos, et parmi moins d’une dizaine de personnes disséminées comme des ombres en prière, ça et là.

  Pas même un murmure. Pas même la vibration d’une voiture, dans ce quartier ancien protégé des grandes avenues par un réseau de vieilles ruelles.

   Une célébration venait d’avoir lieu. Elle le comprit en apercevant les fascicules laissés négligemment sur les sièges. Des photocopies sur un papier épais et crème qu’on avait pris soin d’agrafer, mise en page et typo nettes, douces, espacées. Photos en couleur d’un visage. Jeune.

   Elle le prit dans ses mains. Le regarda longuement. Les dates lui semblèrent irréelles, presque problématiques. De ces dates qui ne collent pas, des chiffres qui ne nous reviennent pas. Qui appartiennent à un autre monde. 1994-2019.

   Pourtant elle les trouva beaux. Il y a de beaux chiffres aussi, ça ne s’explique pas. Elle n’était pourtant pas  férue de mathématiques, mais il il y a des chiffres fascinants, ceux-là, par leur tragique même, en étaient.

   « Ce n’est qu’au prix d’une ardente patience que nous pourrons conquérir la cité splendide qui donnera la lumière, la justice et la dignité à tous les hommes. Ainsi la poésie n’aura pas chanté en vain ».

   Une silhouette de salamandre signait cette citation de Rimbaud.

   Sûrement qu’en d’autres circonstances, l’Impression eût été toute autre. Des années auparavant, l’esprit froid et rationnel, elle serait sans doute resté l’oeil sec et interrogateur. Hermétiquement fermé à la beauté bouleversante qui soudain la terrassa, les mots « ardente patience », comme une invitation consolatrice, à l’espoir. Soudain. des années auparavant elle ne serait sans doute pas rentrée dans cette église, elle n’aurait pas eu besoin d’une réponse que nulle analyse logique ne pouvait octroyer.

   Des années, des années auparavant, dans une autre vie, elle n’avait encore ni souffert, ni aimé, ni compris la profondeur des choses, ni le besoin des gens. Elle aurait peut-être eu pitié de cette femme d’à peine quarante ans enfouissant soudain son visage en pleurs dans ses mains, priant un Dieu que tout le monde disait inexistant, et se demandant comment son maquillage survivrait à cela pour son rendez-vous. Et elle fut toute soulagée de trouver un vieux Kleenex au fond de sa poche.

Salamandre

Et puis ce fut tout.  » Le Seigneur est tendresse et pitié… En ce temps-là voyant les foules… Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage… heureux les coeurs purs, car ils verront Dieu… »

 » L’homme! Ses jours sont comme l’herbe; comme la fleur des champs, il fleurit: dès que souffle le vent, il n’est plus… »

Elle choisit une petite bougie rouge, et perpétua inconsciemment en ayant besoin de l’allumer et de la déposer devant un petit autel latéral, un geste absurde et immémorial. « Pour toi, mon amour ». C’était aussi dans un poème de Prévert.

 

Dans la rue Saint Roch, elle s’arrêta devant une bijouterie close. Elle sourit aux douleurs imaginaires et pensa à celui qu’elle aimait, et à ce jeune homme au sourire doux, dont on venait de célébrer les obsèques et qui lui semblait soudain, si proche.

 

Jalousies

 

REGARD CHANTANT

Petit poème d’hommage à la Prévert, pour la rime en aimant…

 

C’est la vie, c’est la mort

Aznavour est mort.

Dans un sens c’est si triste

Quand un monde se finit

Comme un amour parti

Qu’on se demande soudain:

Comment vivre sans lui

?

 

C’est la mort, c’est la vie

Un petit air qui s’enfuit

Un courant musical

Si joli que c’est si triste

Comme c’était triste d’être joli

Autrefois la mélancolie

Romantique, évanouie.

 

Et ta voix nous poursuit

Vibrante, chaude, fragile, infinie

Qui te survit

Etrange monument

De sons contre le temps

Qui s’élève

Nostalgiquement.

 

C’est la vie, la vie,

La vraie musique jaillit

Un peu démodément

Trop tendrement

Langueur dans la voix

De nos grands-parents

Chantant: l’antan, l’antan.

 

Contre le vent

De la mort, de la mort

Qui démolit tous les raffinements

Des anciens sentiments

Si nobles, poétiquement

Contre ce vent

De progrès annihilant

Froidement

 

Ta Bohème, tes vingts ans

Pour toujours si

Mystérieusement, si populairement

Mais si profondément, magiquement

Emouvant.

 

Charles A2

 

LONGTEMPS

 

Petite élégie d’été indien

 

Devant le soleil levant,

Devant la mer

Loin des entre-sois

S’échapper et se demander

“Qui c’est, ‘moi’?”

 

Devant un verre

Tout simple et amical

Devant le visage d’un homme

Ou d’une femme qu’on aime

Être soi-même.

 

Parfois se perdre et se dissiper

Dans les communautés

Dans les conformités obligées

Pour ne pas détoner–

Rester soi.

 

Être capable de résister

De serrer

La main de l’Autre

Rejeté, ou critiqué

Rester fidèle à sa vérité.

 

Devant le ciel,

Devant un air de blues ou de Bach

Se foutre des préjugés

Être soi, hors de son Antre

Être libre

Vraiment

C’est à dire

Intérieurement.

 

Et sous le soleil couchant

Tous ces mystères,

Et sans jugement,

Aimer la vie,

Un petit verre, devant la mer

Contre la mort rester Amis

Longtemps.

ARRÊTE TES CONNERIES!

Arrête tes conneries.

C’est à peu de choses près la phrase qu’on disait aux vieux enfants pas sages, aux ado attardés, en modulant parfois le vocabulaire, l’injonction, tendre, indulgente, ou bien exaspérée, violente:

Arrête tes conneries!

À l’âge adulte, au cas où l’enfant éternel n’ait jamais jamais réussi à obéir à cet ordre surhumain, de toute façon, il est toujours assez grand pour se le dire à lui même, en pleurs après le plaquage de son premier flirt, ou un peu plus tard, rajustant sa cravate Armani au sortir d’un grand-hôtel parisien, le coeur et le corps chavirés, à 19h30, un vendredi soir. Plus que 30 min pour joindre Auteuil dans sa Porsche métallisée, pourvu qu’il n’y ait pas trop de trafic, et que sa femme ne remarque pas le soupçon d’eau de Guerlain florale dans sa barbe de trois jours, impeccable sur ses fines joues d’homme irrésistible :

“Mais arrête tes conneries!” On imagine l’interprétation, Berry ou Cassel, se parlant à eux-même dans le rétroviseur avant de faire ronfler le moteur de la bonne conscience retrouvée.

Cependant, il convient d’analyser un peu l’expression.

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Léa Salamé il y a quelques jours au micro d’Inter, un certain Nicolat Hulot venant à peine de finir sa phrase : “ Euh… Vous êtes sérieux là”? En clair donc:

“Arrête tes conneries!!”…

Certaines conneries en sont-elles? Dire des conneries, n’est pas toujours en faire.

Faire une connerie, n’est pas non plus la dire.

On peut faire quelque chose qui ne soit pas du tout une connerie (comme le Sieur Hulot) on peut tout à fait divorcer pour se marier avec la femme de sa vie et transformer le 5 à 7 en 50 à 70 ans et plus, et ne pas du tout faire de connerie, et pourtant entendre des gens vous dire :

“Arrête tes conneries!”.

Commenter cette phrase revient donc un peu à commenter l’actualité de l’humanité en général et depuis toujours. Le fait même de vouloir la commenter serait alors en soi sans doute la plus idéale connerie: la connerie suprême étant de croire en la fin de la connerie, comme au bonheur et à la paix éternelle. De surcroît à perdre un précieux temps à réfléchir sur elle.

“Arrête de t’imaginer que tu peux arrêter la connerie”. Amen.

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Ce qui est complètement incroyable, et qui m’est arrivé récemment, c’est que quelqu’un, en l’occurrence un type qui de renommée parisienne n’arrête jamais de faire que des conneries, m’assène, précisément à une période de ma vie ou je suis en train d’arriver à ne plus en faire aucune, mais plus aucune connerie depuis des semaines :

“Arrête de faire des conneries”.

En toute logique, lorsque j’ai entendu donc cette phrase, j’ai pensé qu’il se parlait d’abord à lui même. Ou que s’il me parlait, donc à moi qui ai totalement arrêté d’en faire, il ne pouvait que se montrer ironique. Antiphrase typique. Mais tel n’était pas le cas.

Ce qui nous ramène donc au fondements de la phrase, à sa dissection sémantique commencée plus haut.

Et SI arrêter radicalement de faire des conneries était toujours en faire une? L’arrêt radical peut être fatal. La connerie comme l’alcool, une petite connerie de temps en temps, un petit verre de Chablis 1er cru occasionnel : avec modération, mais pas avec éradication.

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Érasme de Rotterdam publiait en 1511 à Paris un texte adressé à son ami Thomas More qui venait d’écrire et d’inventer par la même occasion l’une des premières utopies politiques de l’ère moderne “Utopia”.

Le livre d’Erasme lui s’intitulait et s’intitule encore en français “L’Éloge de la Folie”.

Rien de grand ne se fait sans passion, disait à peu de chose près le philosophe allemand Hegel.

Rien d’humain ne se fait sans folie, peut résumer en gros la thèse du livre d’Erasme.

Rien n’advient sans une certaine dose de connerie, sans un petit grain, sans outrepasser un peu la mesure de l’absolue rationalité, humaine, inhumaine, peut-on en déduire.

 

Tout est folie, tout est un peu connerie.

“Arrête de faire des conneries!”

Arrête de faire des enfants qui au pire te pourriront la vie et le portefeuille et ta mauvaise conscience jusqu’à ta mort, ou te feront mourir s’ils meurent avant toi, au mieux : doubleront au minimum logique ton empreinte carbone sur la planète, et pollueront comme tu as pollué, par leur seule existence, même s’ils font moins de conneries que toi. Arrête d’être fou, donc arrête d’aimer.

L’argument fondateur de tout le discours du grand philosophe de la Renaissance est là. Sans connerie, pas de vie.

Sur la page Wikipédia que, par connerie et paresse, nous consultons ici pour la vérification de la date de parution du livre d’Erasme, nous découvrons par ailleurs deux portraits de lui, par deux peintres géniaux de son temps, Hans Holbein et Quentin Metsys.

Sur les deux tableaux se confirment le profil aigu et les joues creuses d’un homme rieur dans sa prose latine, mais ascète et austère, peu déconneur s’il en faut, dans cette vie que certains disent plus réelle que l’autre.

Erasme 2018-08-31 à 13.02.57

Quentin Metsys.

Ce n’était donc pas là le visage taillé par les séances de muscu et de cardio dans un club sélect de la capitale française. Ce n’était pas là sûrement l’oeil intelligent et latin de l’homme qui se regarde un soir de mai, conscient d’être fou amoureux, dans le rétro de sa Porsche et qui sait déjà que certains diront que ce qu’il va faire est une connerie mais que sans ce type de connerie, rien ne vaut d’être vécu: il ne peut pas vivre sans Anne, il quittera Danièle et va lui annoncer dès son retour…

La Porsche crisse sur le gravier, sous le perron de l’hôtel particulier version Renzo Piano. Il boit peu avec les hôtes du soir (certaines conneries qui n’en sont pas obligent à limiter celles qui pourraient faire penser qu’elles en sont, comme s’enivrer avant d’annoncer à sa femme…)

À minuit trente, l’énorme vase sang-de-boeuf (dynastie Qing) du hall éclate sur le marbre noir du premier étage, et une brune de 49 ans encore très belle qui n’aime plus un homme qui ne l’aime plus non plus , pousse un hurlement sardonique et malheureux :

“Arrête tes conneriiiiiiies!!!!!!!!!!!!!!!”

Comme il adorait ce sang-de-boeuf et qu’il croit voir un instant reluire, dans le reflet de ses brisures, l’image d’un futur en morceaux… il se ravise, et, mimant avec talent l’homme dévasté: demande “Pardon! C’est des conneries…”.

Le lit de la chambre d’ami est hyper confortable, ça tombe bien, et cette nuit là, après une journée forte en émotions mazette, il s’y endort comme un bébé, ayant décidé de commander le même matelas mais en king size pour l’appartement qu’il va acheter à Anne. Pour le coup, et pour compenser, sans doute une vraie de vraie connerie: celle de ne pas oser en faire une bien franche.

Reprenons.

Faire des saines conneries rend parfois les autres malheureux, mais pour leur bien.

Faire des conneries, de bonnes conneries, donne le sentiment d’être parfaitement heureux, et parfois, pas que le sentiment.

Il est peut-être rationnel de ne pas faire de conneries, mais totalement déraisonnable.

Trop de raison tue la raison.

« Le mot “connerie” vient du latin con qui désignait dans la Rome antique un petit lac d’eau salée et toujours pure au milieu de l’Etna éteint dans lequel les vestales du temple de Vénus venaient se baigner nues une fois par an, pendant leurs congés d’août. »

Mais non. Quelle connerie.

Le mot connerie vient en réalité de Con. Et con, vient de con. Cf la chanson “le Blason” de Brassens.

Déconner : est-ce sortir du con ou trop y aller?

Le mot ne le dit pas avec assurance, d’où cette étrange ambigüité: faire une connerie, c’est faire quelque chose de mal, ou qui fait du mal: sentimentalement, physiquement, aux autres, à soi-même, généralement  à tout le monde.

En gros, du moment qu’on se sent bien et que tout le monde est content: pas de connerie à l’horizon.

La Connerie est donc subjective et ses critères de repère sont tout à fait socio-culturels: n’est pas con qui veut dans tous les pays et avec tout le monde. Ta connerie dans tel cercle culturel peut te valoir une palme d’or ou un prix Nobel ailleurs.

Quoi de plus con pour le jouisseur invétéré, pour le night clubber, pour le petit dealer non pris et roulant en Mazeratti que de s’enfermer dans un monastère roman reconverti en palace, au milieu d’un petit vallon toscan, et d’y écrire pendant des mois, reclus, des pièces de théâtres, des romans, des chansons?

Quoi de plus con pour un habile intellectuel trouvant sa jouissance dans l’écriture de chroniques pour le Monde ou le Figaro entre deux tasses de thé au curcuma, que de sortir le soir et d’aller danser la salsa avec des émigrées sud américaines dans des cafés bobos de la Villette ou des bouges de banlieue?

Je suis vegan et j’aime ça, tu manges des côtes de boeuf et ça te fait du bien, du moment que tu n’emmerdes pas trop la planète ni ton prochain. A chacun sa folie, à chacun sa connerie. Tout est relatif.

Arrête ce qui te fait du mal et te rend malheureux, parfois même, arrête de trop arrêter de faire de conneries, tu mourras sage, mais triste. Sans l’envie de faire tout le temps des conneries, tu ne serais peut-être pas devenu un grand acteur, tu n’aurais pas monté cette boîte qui fait vivre des tas de gens et leur permet de faire un tas de conneries avec leur argent, si tel est leur bon plaisir… tu ne les aurais jamais fait rire.

 

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Sur le sceau de sa bague, Erasme avait fait inscrire sa devise “Nulli concedo” je ne fais de concession à personne, ou bien je ne cède à personne, ou je ne cède en rien. Elle était la devise du dieu romain de la mort “Terminus”, sorte de rappel de la vanité de la vie “memento mori”. Emblème d’austère tenue morale et intellectuelle.

Un de ses élèves lui avait offert une pierre antique dans laquelle était ciselée la figure d’un dieu, et qu’il avait fait enchâsser dans cette bague. Erasme voulu croire qu’il s’agissait du dieu Terminus mais il se trouva que cet élève, devenu archevêque, lui avait offert en réalité la représentation joyeuse d’un tout autre dieu : Bacchus, dont la devise est quelque peu différente:

Memento vivere, souviens toi de vivre, en résumé:

“N’arrête jamais de faire quelques conneries, apprend juste à choisir celles qui te permettent de vivre plus heureux, dans le respect des autres, libre et content”.

 

… 😉

 

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Fresque d’image d’en-tête : 50 ap JC, Pompéi, suite du dieu Bacchus.