
METRONOMIQUE1
Vous l’avez tous vue.
Elle est assise sur la banquette rayée multicolore que j’aime malgré moi à cause d’une ancienne réminiscence liée à un atelier de laine péruvienne, en maternelle.
Elle, elle a la main à peine posée sur le pantalon beige, dissimulant la cuisse gauche de son ami.
Elle a un visage…
Vous l’avez tous vue.
Elle a un visage, ce n’est pas seulement qu’il est jeune. Ce n’est pas seulement parce qu’il est jeune qu’il a cette fraîcheur céleste. Et ce n’est pas car il évoque le blond et le rose cinglé par un vent lapon, le lait frais et les wasas suédois, de ces pays nordiques où l’on rêve à des ciels bleus layette, que ce visage est céleste, non.
D’ailleurs bien que blond, le teint vif et les joues pleines comme des pivoines, les pommettes saillantes presque slaves, les lèvres naturellement veloutées sans maquillage, dans ce visage en fait, les yeux sont noisettes, mais des noisettes ciselées sous un angle qui les rapproche symboliquement de l’azur.
Elle ne sait même pas qu’elle l’aime, ce garçon évident, à côté ; ils ne se parlent pas d’ailleurs, n’ont pas besoin, ils ont vingt ans tout juste passés et il semblent sortir du même bain amniotique. Mais
Elle,
Vous l’avez tous vue.
Alors, ce n’est pas qu’il est pur son visage parce qu’il est jeune, parce qu’il est blond.
C’est par ces yeux noisettes qui semblent réellement d’une si belle transparence que le monde dans leur reflet est intact, vierge, immense et bienveillant, comme eux.
Ce ne sont pas non plus des yeux d’enfant, ce serait trop facile. Et même les enfants, surtout les enfants du métro, parfois, ont souffert, et leur visage même très blanc, n’est pas sans ombre.
Elle, elle vient d’un monde, c’est clair, qui n’a pas souffert, qui n’a pas de véritable problème, qui n’a connu ni le tragique, ni l’effroi, ni l’amertume qui laisse aux coin des lèvres les rides des amours perdues, gâchées, fausses, manipulées, salies, violées, lacérées, tuées,
Évaporées.
Son être, à Elle, croit encore, sans se forcer, avec espoir, bon, simple, évident, en la vie.
Et c’est si rare, cette vérité de la foi, cette immense beauté dans la bonté, que c’est pourquoi, cette madone millenial de 20 ans, tout le monde, ce jour là, l’a vue :
Elle, c’était ce soleil d’automne, au bout du tunnel, à la sortie du métro.