Il mettait son chapeau à large bord, et il sortait dans son parc. Sur une chaise. Tranquille.
On aurait dit Henri Fonda dans « My Darling Clementine ».
Il regardait les arbres, en noir et blanc, dans la lumière intense de l’été ou dans celle des neiges de l’hiver.
Il attendait. La mort, la dernière note de jazz–enfin, c’était certain, ça viendrait, un jour–comme l’amour, comme l’amour était venu. « Chaque chose en son temps ». Voilà, c’est ça, se disait-il.
Ensuite il rentrait. Il retirait son chapeau.
ça sentait bon, Jane faisait une tarte au pommes avec de la cannelle et des petits raisins de Corinthe gonflés dans du whisky. Elle écoutait le soleil dans la cuisine, elle chantait en silence.
Il mettait son disque préféré. Dans le salon
« Faut que ça swingue! » Il disait « Souaingue ».
Il n’était pas vraiment un vrai cow-boy américain. Mais le jazz fusait, et Bach twistait, mieux valait attendre son rendez-vous sur cette harmonie là.
« Faut que ça pête! Ya pas assez de jaune dans cette baraque!! »
Il beuglait ça, à l’intérieur de lui-même, et ça le faisait sourire.
Il avait fait agrandir une photo d’une oeuvre de Joan Mitchel, une photo qu’il avait réussie à prendre, et qui valait toujours mieux qu’une croûte qu’il aurait pu maladroitement barbouiller, en s’y mettant vaguement. Il avait toujours été trop impatient, pour la peinture, ou trop humble. Il n’avait pas osé.
C’est ce qu’il se disait. Il n’avait pas été assez américain, pas assez écouté Jacques Loussier faisant danser la Fugue N°16, Partita N°1 de Bach, à sa manière. Il aurait fallu Faire en s’en foutant « take it easy »:
TIE
C’était un bon acronyme, TIE pour DIE, ça valait mieux.
S’il ressuscitait, il ferait ça mieux: TIE, plus tôt. Rencontrer la femme qui faisait des tartes aux pommes en twistant, en sifflant, prendre un pinceau, un rouleau, envoyer les couleurs du soleil et de la douleur guérie tourbillonner ensemble dans de jolis bouquets abstraits.
Moins se prendre la tête, rêver. Un peu plus tôt, mais jamais trop tard, c’était mieux que rien.
Quand le disque était fini, et la part de tarte savourée avec un thé froid ou chaud, avec elle, il remettait son chapeau, il ressortait au soleil regarder les oiseaux, histoire de ne pas saturer d’un trop plein de musique ou d’amour, et puis, le besoin se faisant ressentir, il savait qu’il rentrerait à nouveau, et que ça recommencerait, toujours pareil, mais toujours nouveau, elle, belle, dans la lumière chaude pleine de cannelle douce, comme sa peau, il y a longtemps, et la musique pour danser de joie, de sagesse.
Improvisation sur un petit poème, l’éternité d’Arthur R, nécessité des convalescences.
Image d’en-tête: le parc Vellefaux de l’hôpital Saint-Louis.
Roses. Un textes sur le os et les corps décharnés qui ressuscitent, Bible ouverte, les oiseaux chantent dans la chapelle renaissance, décrépie, et belle pour cela.
Le son est coupé depuis le Brexit et l’augmentation des droits WordPress du blog, cf facebook.
Atento: pbm sur ce fichier MP3… le son passe en intersidéral par erreur, dans ce cas télécharger sur ordinateur, mais avec casque via portable ok. Le son n’est pas à ce point mauvais ni la voix robotique 😉
A la fin de Pierrot le Fou de JL Godard. Dans le son des vagues, la voix d’Arthur Rimbaud.
« Elle est retrouvée, quoi? L’Eternité. C’est la mer allée, avec le soleil ».
Des années lumière après, au-delà, on s’interrogera sur ces mots hallucinés du jeune poète. Sans fin. Qu’est-ce que ça veut dire?
Tout au long de la vie, on y repense, on croit comprendre, saisir, peut-être.
Fusion totale des choses, captation d’une réalité supérieure ou le cosmique et notre matérialité la plus évidente se font écho. La fusion: la mort. L’effusion: l’amour. L’éternité: le soleil, la lumière, la beauté, ce qui engendre, ce qui rapproche, ce qui crée, procrée. Un grand mélange explosif, naturel, radieux.
Il n’y a rien à craindre, il y a tout à savourer, le moment est bref, unique, la seconde éternelle, celle du baiser encore dans le Parc Monsouris, de Prévert. Il n’y a rien à comprendre, tout à faire, aucune peur, même pas de celle de fous très à l’Est qui oublient la lumière et notre chance d’exister. Contre lui, la réponse (un peu bête car il n’y en pas d’autre) de toujours:
Dans une époque lointaine, une professeure d’allemand alsacienne nous répétait avec le sourire confiant d’une Sissi d’un mètre quatre-vingt (ou du moins nous apparaissait elle ainsi) : « Tout facile! ». D’une belle voix chaude et ronde, rythmant les déclinaisons, les irrégularités, chantant sa langue plus qu’elle ne la parlait: « Tout facile ». Formule magique qui en effet, simplifiant tout, faisait soudain penser qu’aucune difficulté n’était réelle, que tous les blocages et ce qui nous fait peur ne sont en réalité qu’imaginaires.
Son « tout facile », c’était le TIE, le Take It Easy de la pensée outre Atlantique, l’art de prendre les choses avec facilité, ou simplement de se laisser guider par elles, sans leur imposer aucune résistance ni de forcer aucun désir. Simplement de laisser être, et d’agir avec souplesse et retenue, en fonction. Pas loin du Tao Te King de Lao Tzeu.
Avec le temps, peut-être, les difficultés se lèvent et ce qui nous paraissait douloureux, insupportable ou si beau qu’inatteignable s’accomplit, ou accomplit son cours, au delà de nous et avec nous, dans la simplicité qui associe poésie et réalisme.
Tout peut arriver, n’importe où, à n’importe qui, n’importe comment. Sans doute car au plus profond, les âmes, les coeurs et les corps poussent sur le même humus, aussi différents que soient les statuts, les fonctions, les apparences des êtres.
Aujourd’hui dimanche 5 décembre 2021, Pierre Rabhi est mort, des femmes sous la pureté du ciel afghan n’arrivent pas à se dire que tout est facile, l’impossibilité d’être amoureuse ou plus largement heureuse un jour bloque l’horizon, et les étouffe plus que les voiles. A leur pensée, toutes nos plaintes sont futiles, et nos chances nous font un peu honte, comme de chanter « tout est facile, cette chance de savoir que notre bonheur dépend, de ce côté-ci du monde, essentiellement de nous-même.
Une petite chanson d’amour, sans oublier le ciel afghan.
… D’toute façon c’est facile, ilsuffit d’être fragile, de simplement être humaine. De se souvenir qu’on est rien.
Les Raisons difficiles, nous disent que c’est débile de ne pas penser à demain
De trop aimer, son prochain.
Depuis toujours… les mêmes discours, les mêmes contradictions(entre l’coeur et lui dire non)
Le mental impassible, veut qu’on lui soit docile… peut-être n’a-t-il pas tort denous retenir, par le mors.
Mais le soleil
N’est pas d’accord… là-bas sur la mer d’or
Une autre vérité sommeille…
D’toute façon soit tranquille…
Il faut pas s’faire de bile… nous dit notre astre serein (suis moi et tout ira bien…)
Il avait 33 ans, ça se passait au mois d’août 1978 à Londres, dans l’église Saint John Smith’s square. Il faisait beau.
Première image, plan lumineux sur la pierre dorée par le soleil, on entend les moteurs de voitures en vacances. On ne sait pas bien si cela commence comme un ancien film d’Hitchcock recolorisé ou un documentaire, ni l’un ni l’autre. Un concert filmé.
Depuis l’intérieur clair et simple, accoustique limpide, on verra passer quelques têtes de piétons, sur les trottoirs.
A l’extérieur la terre tourne selon l’ordre des hommes.
A l’intérieur, l’univers s’ouvre et dévoile son rythme propre.
On se demande un peu comment ces têtes floutées à travers les vitraux transparents peuvent être si étrangères et lointaines à ce qui se passe dedans. Complètement sourdes. Séparées par une couche de sable cuit de quelques millimètres, elles sont là derrière, à 10 mètres, des années lumières.
Il se passe quelque chose qui dépasse. Les murs des salles de concerts et des églises ressemblent parfois à ceux des hôpitaux, tous muets, portant en eux des cris de naissances, des derniers soupirs, des joies tragiques, les plus tragiques et intenses de l’expérience humaine possible. Des silences où l’on entend les explosions nucléaires des étoiles.
ANGE OPERATEUR
Il avait alors encore des traits d’enfant, des joues de chérubin. Il ne savait pas marcher, ou il ne pouvait pas–la polio l’avait obligé à se faire pousser des ailes. Alors, cet été 1978, il était arrivé en béquilles et devant témoins, les yeux fermés, il avait fait un petit numéro d’aviation. Il s’était envolé, prouvant par là qu’il était parvenu à sa maturité d’Ange, première catégorie.
Il n’y a pas beaucoup d’hommes qui sont des anges.
Peut-être un sur un milliard. C’est rare, autant dire.
Comment peut-on savoir que l’on est face à un ange? C’est ça la question.
Il ne suffit pas d’être beau extérieurement. Beaucoup de violonistes très beaux et très bons ne seront jamais des anges. Il faut avoir encore en soi une pureté. Cette pureté de l’enfance, cette douceur peu virile, presque d’un nouveau né. Il faut garder les yeux fermés sur l’intérieur de l’intériorité, au creux de la musique, pour rendre les sons des choses que nul ne peut voir. Et pour oublier la présence des humains tout autour, pour ne plus faire qu’un, synchro, avec ce rythme supérieur qui fuse Quelque part.
Quand il ouvre les yeux, moments rares de ce film, il est effrayant. On voit alors qu’il ne voit pas. Qu’il ne voit pas comme nous. On voit à travers ce regard légèrement exorbité en lui-même l’énormité merveilleuse de ses visions, de la musique qu’il sent plus que tout autre. Images de l’enfer ou du paradis, d’une beauté qui rejoint les extrêmes, comme les jouissances de l’orgasme les cris de douleurs.
On ne sait pas. Lui, si.
On peut ne pas comprendre, ne pas être ému, tout de suite. On peut être bloqué, par l’inhabitude des sons du classique, par une couche de préjugés sur cette musique qui bouche littéralement les oreilles. ça peut mettre du temps, de tout oublier ce qu’on sait, jusque soi même, pour s’Ouvrir.
Un beau jour d’été.
Quand on aura été quitté, à cause de la mort, ou de l’amour, quand un coup de fatigue au boulot, un coup de vieux fait que le monde des rotations humaines, des boulevards bondés, des réseaux saturés, des deadlines, des enjeux risqués, des agendas débordés ou brutalement syphonés… ou celui d’une vache morte dans un pré… semble n’aller plus nulle part…Peut-être alors que le coup d’archet d’un ange peut opérer.
Une résurrection.
Nos oreilles s’ouvrent avec ses ailes. Ce qui n’était qu’une belle musique devient un langage puissant qui nous guérit. Qui nous fait pleurer. Et on se met à chercher son mouchoir, comme quelque chose d’attendu par l’ange qui savait que vous alliez en arriver là un beau jour d’été, comme un psy bienveillant qui avait prévu la boîte de kleenex même pour cet homme au visage sûr de lui qui maintenant se met à mouiller sa chemise.
ça craque, enfin. Il ne faut pas retenir. Quand certaines blessures n’en finissent pas de couler, n’arrivent pas à cicatriser, tant pis, il faut laisser couler. Sinon l’abcès crée des complications.
MUSIQUE DU DON AVEUGLE, ABSOLU
Itzhak est le nom biblique d’un enfant que son propre père est prêt à sacrifier. Pour montrer son obéissance à Dieu. Itzhak est le nom de ceux qui acceptent de monter sur l’autel du sacrifice, sans être sûr qu’en final Dieu va faire un tour de magie et mettre à leur place un bélier au dernier moment. Abraham suit le commandement de Dieu, Itzhak suit le commandement de son père. Ni le patriarche, ni Dieu ne risquent la mort: seul Itzhak.
Beaucoup d’Itzhak ont fait l’objet de véritables sacrifices, on pense à Rabbin. Perlman lui, « l’homme perle », a fait celui de ses jambes. Pour mieux danser la Gigue, 4ème mouvement de cette fameuse partita. Selon l’humeur, le moment de la vie, il est possible d’en avoir le coeur percé, en mettant cela ensemble : un homme handicapé, qui ne pourra jamais danser, et qui donne un rythme, le plus fougueux, le plus appuyé, particulièrement cette gaité grave, étrange dans cette interprétation qui en devient bouleversante. Et il sourit.
Bien entendu, la partition n’est pas de lui, il en est seulement le porte parole, celui qui donne voix, son, au sens propre d’Angelos. Transmetteur. Mais Dieu, ou cette dimension supérieure au-delà des trous noirs et des noms, a eu besoin de prophètes pour se révéler, comme Bach d’anges musiciens pour continuer d’exister.
Peut-on dire « à chacun sa musique » pour mieux cloisonner les musiques et donner des arguments aux oreilles pour rester fermées?
Pourquoi pas. Si c’est là respecter.
Est-ce que Bach est de la simple musique, est ce que l’âme de Perlman dans ces quelques minutes est de la même matière que celles d’autres génies dans d’autres styles?
Quelles valeurs, quels humeurs, quels sentiments sont-il ici infusés, perfusés dans l’auditeur? A chacun son rythme, a chacun son prophète, à chacun son ange, dira-t-on, on reconnaîtra leurs noms, non à leurs attributs mais aux traces laissées dans les coeurs: joie, violence, sagesse apaisement ou excitation.
Celle de Bach et ici via Itzhak Perlman redonne sens de l’intérieur au monde extérieur. Console, remet l’être à sa place, à la fois grande et toute petite dans le cosmos. Virilité et féminité s’équilibrent, force, puissance et sagesse. Courage. Espoir. Quelque chose aussi qu’on est pas tous prêts à comprendre, comme si on coupait le son : on croit voir un fou. Un idiot. Comme Socrate s’en vantait, comme les prophètes qui ont tous dû passer un peu pour des cons en redescendant de leurs montagnes chargés de visions invisibles, de paroles d’anges…
Délires mystiques? Déchiffrages codés? La rigueur mathématique folle des partitions de Bach, indépassable, même par des logiciels de compo électro. Cette manière d’utiliser les sons, selon une formule bien précise indiquée sur la partition, pour les faire rentrer au plus profond de la chair, sans même l’avoir voulu, dans ce coeur du coeur intérieur évoqué par les penseurs du soufismes et plus anciennement, encore dans « la cavité du coeur » subtil, le centre de l’énergie de tout l’être, des Upanishads indiens. Le son AUM, déchirement mystérieux que tout le monde n’entend peut-être pas…
Le ciel est bleu, les nuages sont blancs, voit on les mêmes blancs, les mêmes bleus?
Un violoniste aux yeux fermés, un été à Londres, fait exploser tout ça.
Au XVIIème siècle, des humains ont composé certaines musiques qui auraient pu disparaître à jamais.
Les notes avaient été écrites à la plume d’oie avec de l’encre, sur du papier. Le système utilisé est encore décodable aujourd’hui et s’enseigne par delà toutes les langues du monde, partout dans le monde.
Il s’agit, de facto, du seule langage écrit universel.
A l’heure, du jour, ou de la nuit, où ces hommes et ces femmes XVIIème siècle français (la méconnue aujourd’hui Elisabeth Jacquet de la Guerre adulée sous Louis XIV) imaginaient des airs et les transposaient sur du papier, ils n’auraient sans doute jamais conçu que 300 ans plus tard, leurs sons, diffusés sur des tablettes luminescentes via des satellites orbitaux passeraient par la magie des ondes, dans les oreilles de leur lointains descendants.
Au fond, qu’attendaient ces musiciens d’autrefois en transcrivant leurs imaginaires musicaux, et parfois géniaux?
On peut se poser cette question, qui n’a sans doute aucune réponse certaine. Puisqu’ils n’attendaient rien. Rien du moins qui dépasse de très loin leurs temps.
Annoter un parchemin de sons mis en encre, c’était souvent leur profession et leur plaisir dans le cas des grands compositeurs dont les oeuvres nous sont parvenues. Communiquer leurs musiques aux interprètes, qu’ils puissent la jouer, telle que la musique se jouera toujours : pour donner une bouffée d’éternité au temps présent. Pour faire pénétrer dans un monde totalement atemporel où les secondes se dilatent, dans les meilleurs des cas, quand trois minutes de cordes frottées font sentir l’infini.
Toutes ces phrases mélodiques, ces complaintes, ces élégies, ces bouffées « bas-rock », rythmes qui annonceront ( pulsions de vie, fières rebellions) le « haut » rock du futur.
Peut-il y avoir de vraie musique, de musique qui traverse ce mur du son, qui « déchire », donc les limites, sans une inspiration révoltée, jusque dans la douceur?
Toutes ces choses, les musiciens-compositeurs d’alors les sentaient sans doute, lumineusement. Toute leur vie était portée par cette métamorphose mathématique et rigoureuse de toutes les vibrations de l’âme qu’ils sentaient, ou laissaient monter en eux; un sentiment d’urgence vitale, pour les meilleurs, a- delà, bien au-delà des commandes rémunérées, les animait.
Pensaient-ils à nous? Sentaient-ils au plus profond de leur inconscient qu’une forme de beauté absolue toucherait toujours les hommes avec égalité, et par la même, les rendant égaux dans le plaisir, l’esthétisme, la jouissance, bien au-delà des cultures et des époques? Avaient-il la prescience de Jessie Norman et Lang Lang?
Non. Oui. Certains croyaient aussi en Dieu, et mélangeant tout ça. Le sacré, même dans les oeuvres profanes, n’était jamais bien loin. Et on aurait complètement tord aujourd’hui, chez certains par totale méconnaissance, d’amalgamer le tout, en le ramenant au sacré. C’est sûrement le contraire qui eut lieu, la sensualité et la beauté pure du coeur à travers des cordes ou des instruments à vents qui insuffla la foi dans les oeuvres d’églises. L’impression du sublime n’est pas qu’un attribut divin. Mozart composa Don Giovanni autant que ses requiems, Monteverdi bien avant, des madrigaux amoureux, et des cantates pour Dieu, qui exprimaient, dans des chromatismes similaires, peut-être en réalité la même passion, voire le même désir d’absolu et d’amour total.
Oui. Non: ils n’attendaient rien. Ils désiraient. Le Beau, la suite parfaite, ce qui leur trottait; de la sonate au chant divin, même impulsion, travaillée ensuite avec ordre et méthode, par la grâce du nombre, allié de l’âme. Pour une fois.
Sur du parchemin, de l’encre. Dans un monde ou les statistiques en matière d’espérance de vie aurait jeté l’effroi aujourd’hui parmi nos semblables masqués, où la moindre infection pouvait vous emporter. Hygiène, santé n’était pas des priorités, encore moins des obsessions. Ce qui obsédait ceux et celles dont on parle, c’était donc de jouer, de faire surgir l’harmonie étrange qui captive, vrille un peu, étourdit, fait danser de joie, fait pleurer, purge. C’était de se réfugier ainsi, de se protéger dans une bulle hors des dangers inhérents à toute époque, et à la peur de la mort, dont l’inéluctabilité reste jusqu’à se jour, relative, mais certaine.
Beaucoup de choses demeurent d’actualité. Et dans ce qu’on croit être le grand chambardement des valeurs, la gloire, l’argent et la musique attisent toujours l’envie de vivre. La superficialité jouxte toujours la profondeur. Ainsi dans ces temps où le monde ignorait la démocratie moderne, et qui peuvent paraître aujourd’hui comme invivables, les problèmes essentiels n’étaient pas si différents qu’on se l’imagine. Certains se faisaient banquiers et soldats, d’autres, toujours une infime minorité, musiciens, compositeurs, et les uns soulageaient les autres de leurs peines et leurs violences.
Une forme d’équilibre. Les problèmes essentiels: trouver les remèdes au chagrin, au deuil, trouver ce qui donne la joie, permet d’avancer se sachant condamné. Ce qui permet d’oublier. Si la musique n’est pas née d’hier, une forme de bas consumérisme non plus. Mais les blessures, toutes les blessures étaient beaucoup plus nombreuses et plus graves. Il ne faut pas l’oublier. Contre celles du corps, en dernier recours, la mort apaisait tout. Contre celles de l’âme, la musique avait son rôle à jouer. On a la musique de son temps, on aime la musique qui panse les plaies de son temps, et de son vécu personnel, ou qui en stimule les joies. Quelque chose nous dit, peut-être, qu’alors, quand on savait qu’il n’y avait de toute façon plus rien à faire que d’accepter les coups durs, on avait aussi cette sagesse de s’abandonner dans une prière, un silence, un air mélancolique. Ou tout simplement de s’échapper gratuitement, sans espoir de trace: rêver.
Par delà la mort, et parfois à l’amour.
à 2min 01 : LA RÊVEUSE
Image d’en-tête: Vallée des Saints, Bretagne prise de vue Clr.
Il était une fois un monde où tout semblait avoir changé. Un monde plus incertain que jamais, en équilibre sur une planche de surf, en plein tsunami, tentant désespérément de jouer le pari du Lotus.
Monde de l’éphémère, de l’impermanence et du virtuel comme parachèvement d’une civilisation globale.
Monde flottant, nomade, où les tapis bien utiles et reposant de la prière, se transformeront par une nécessité vitale, en tapis de rêves…
Le tapis rouge du hasard nous déroule ses histoires...Enfermée bien dans ses plis, il nous découvre la vie...
La vie, et sa poésie
Le vie, et tous ses ennuis
La vie cachée dans la nuit
La vie folle sous les souris...Le tapis rouge des hangars, des grands entrepôts d'l'Histoire
Stock de nos beaux orgueils, nos fragilités, nos deuils
Nos deuils en technicolor
Nos philosophies sonores
Nos coups d'épée indolores
Nos anesthésies au chloreLe tapis rouge de la chance, du bon côté d'la balance
Devant l'spectacle de la souffrance notre bonheur, notre indécence.
Et le tapis rouge... comme l'amour
Pendant que la mort fait un tour
Le tapis bleu de l'oubli
Comme la mer et comme un lit
Comme un lit, comme un tapis magique
Pour un prophète qui s'envole loin faire la fête
Et danser
dans l'infini...
Du féminin sur du masculin, père-mère, terre ferme, terre femme, femme patrie:
Patria.
Remettre les pieds par terre, retrouver sa terre, retrouver, ou trouver: un corps stable et ensoleillé qui nous rappelle l’enfance, sans savoir pourquoi.
Un bout vocal pour chanter le retour à une terre quittée et à une femme oubliée depuis si longtemps qu’on croirait ne jamais l’avoir connue… Et peu importe les années et le Temps, qui n’est jamais perdu, quand il nous mène, contre vents et marées, finalement, à bon port.
TU
Ne voulais pas la revoir, comme on a peur du noir…
Amour, adolescent (ya trop longtemps…)
Tu voulais la garder, puérilement, folle, et fraîche, dans ton souvenir… tu voulais
L’oublier… un peu lâchement… peur aussi
De la retrouver
plus belle qu’avant.
Les années ont passé, d’autres que toi l’on connue…
La poussière, bitume est devenue
Une ride là, sur sa joue nue : rue, qui n’y était pas.
Qu’est-ce qu’elle en sait, la terre,
De ceux qui passent, sans jamais rester… c’est elle qui possède
Une chanson retrouvée griffonnée sur la table après le dernier conseil des ministres. Un jeune président rêve à l’impossibilité que les gens soient tous heureux en même temps, comment faire? Une certaine forme d’Or naturel existe, qui relativise tout… même l’argent.
Solor
L’AUTOMNE…
L’automne est belle, dans sa robe de feuilles…
deux êtres se tiennent par la main.
Ni jeunes
Ni vieux,
soucieux, mais heureux. Pas vraiment riches,
sauf d’être amoureux, dans le soleil d’or
du matin.
D’autres jouent à la guerre, c’est merveilleux.
L’automne leur fait une crise de jalousie
qu’ils ne voient pas.
Le soleil roux, les pauvres heureux n’existent pas
pour eux.
Le soleil d’or, être amoureux, ces trucs gratuits–c’est fini.
Elle,
sort ses dentelles, elle se déshabille.
Au bord de la rivière, ses dentelles naturelles
De fougères, de lumière sur l’eau qui brille… cette vieille grand-mère, toujours fraîche : l’Automne
les enivrent : Ils se dépêchent.
De sauter
De s’éclabousser, de rire,
Comme si rien n’avait jamais existé
D’autre que cette liberté
De n’être rien, mais d’être tout
Les poches vides mais
Une main chaude dedans, le coeur
Plein de diamants.
….
L’Argent… c’est très important.
Mais
Parfois
Ce n’est pas suffisant… l’argent…c’est
très
très important mais
parfois on s’en fout vraiment….
Toutes images clr. issselee : Pantin, île de France, et source de la Roche Jagu, Bretagne.